"Nous ne t'oublierons jamais", "Nous avons besoin de nous battre pour elle", "Nous nous battons toutes et tous pour elle". Sur les réseaux sociaux, les internautes délivrent des milliers de déclarations à la mémoire de Breonna Taylor, cette jeune Afro-Américaine de 26 ans assassinée en mars dernier par des agents du département de police de Louisville, lors d'une inattendue et brutale perquisition effectuée à son domicile. Militants, personnalités publiques (comme la députée démocrate Alexandria Ocasio-Cortez) et anonymes réclament justice.
Justice, car les trois policiers qui ont abattu Breonna Taylor de huit balles dans le corps n'ont pas encore été arrêtés ou renvoyé. Ils n'ont même pas fait l'objet de poursuites. "C'est si déshumanisant que la famille de Breonna Taylor soit obligée de lancer des campagnes publiques pour que la vie des victimes soit enfin reconnue, et la justice obtenue", a fustigé en retour Alexandria Ocasio-Cortez. Et la députée démocrate américaine n'est pas la seule à s'indigner. Lors des marches effectuées pour dénoncer les violences policières et la mort de George Floyd, les manifestant·e·s clament le nom de la jeune femme afin d'exiger que cette affaire soit correctement traitée.
Mais jusqu'ici, un seul individu a été arrêté dans le cadre de ce drame : Kenneth Walker, soit le petit ami de Breonna Taylor, présent avec elle lors de ce drame nocturne. Comme le rappelle le magazine The Cut, ce dernier aurait tiré un coup de feu, qui aurait blessé l'un des policiers. Il a été accusé de tentative de meurtre.
Par ailleurs, le rapport de police de la nuit du meurtre, publié le 10 juin, comporte des zones troubles. En effet, comme le rapporte le HuffPost, celui-ci est quasiment "vide" et "retranscrit mal des détails essentiels".
Par exemple, "dans le rapport de quatre pages du département de police de Louisville, publié mercredi par le Louisville Courier-Journal, il est inscrit que Breonna Taylor n'a souffert 'd'aucune' blessure. Ceci est faux : un policier lui a tiré dessus au moins huit fois, avant qu'elle ne meure dans une mare de sang sur le sol de son appartement." Et ce document ne permettrait pas d'identifier les trois policiers impliqués dans la mort de la jeune femme.
"Les flics qui ont tué Breonna Taylor errent dans les rues comme s'ils n'étaient pas les flics qui ont tué Breonna Taylor. Ils doivent être arrêtés, inculpés et condamnés. Nous ne pouvons pas oublier Breonna", a déploré la comédienne Rachel Pegram sur Twitter.
A l'unisson, les protestations s'alignent sur les réseaux sociaux pour ordonner le jugement immédiat des officiers incriminés. "Ce serait cool si un tas de célébrités riches faisait une vidéo pour dire 'arrêtez les flics qui ont tué Breonna Taylor', encore et encore, jusqu'à ce qu'ils arrêtent les flics qui ont tué Breonna Taylor", poursuit l'actrice Ashley Ray, en prenant à parti l'acteur et humoriste Seth Rogen.
Une pétition en ligne a même été lancée pour sensibiliser l'opinion publique et la justice américaines. "Pendant des semaines, Louisville a traité Breonna comme si elle était une criminelle, la qualifiant de 'suspecte' avant d'admettre finalement qu'elle était une victime innocente. Elle n'a commis aucun crime. Pourtant, elle est morte et les coupables ne font face à aucune accusation. Rendons justice à Breonna !", peut-on y lire.
Mais du côté de la justice justement, peu d'évolution. L'avocat de Kenneth Walker a défendu son client en prônant l'état de légitime défense ("Je ne voulais tuer personne", a déclaré le principal concerné). Un argument qui a convaincu la Cour : les charges contre le petit ami de Breonna Taylor ont finalement été abandonnées. Le rapport de police, lui, reste désespérément vide depuis trois mois : il n'est même pas fait mention de l'entrée brutale, à coups de bélier, des policiers - une donnée sur laquelle insiste Kenneth Walker.
Et malgré les mobilisations massives, dans la rue et en ligne, le maire de Louisville, Greg Fischer, a déclaré qu'aucun des trois officiers ne pourra être licencié tant que l'enquête ne sera pas achevée. Des propos taclés par la sénatrice démocrate Kamala Harris, qui le répète l'espace d'une publication virale partagée des milliers de fois sur la Toile : "Cela fait 90 jours que Breonna Taylor a été assassinée chez elle. Les policiers impliqués n'ont toujours pas été inculpés. Continuons les appels à la justice".