Ce dimanche 2 février, les Chiefs de Kansas City affrontaient les 49ers de San Francisco lors d'un des événements sportifs les plus attendus des Etats-Unis : la finale du Super Bowl. Mais au-delà d'une performance colossale sur le terrain, le show de la mi-temps aussi promettait de soulever les foules. Chaque année, la tradition veut qu'une star de la chanson se produise sur une scène éphémère au milieu du stade. Beyoncé, Justin Timberlake, Lady Gaga, les plus grands noms de l'industrie de la musique ont eu l'honneur de jouer un medley de leurs tubes - feux d'artifices en fond.
Cette fois-ci, la programmation était une fois de plus de taille avec un duo iconique monté pour l'occasion : Jennifer Lopez et Shakira. Et la prestation n'a pas déçu.
Ce qui a rendu cette collaboration aussi magistrale n'est pas tant les prouesses physiques et musicales des deux artistes que ce qu'elles représentent. Déjà, leur âge. On ne le sait que trop bien, celles qui évoluent sous les paillettes sont souvent reléguées au second plan passé 40 ans. Un âgisme dénoncé par beaucoup d'actrices et de musiciennes, partout dans le monde, mais pas uniquement ; les salariées en entreprise aussi le subissent. Et pourtant, sur l'une des scènes les plus convoitées du pays, deux femmes de plus de 40 ans (50 pour Jennifer Lopez, 43 pour Shakira) ont mis - et on pèse nos mots - le feu au stade, enchaînant Whenever, Wherever, J-Lo From The Block ou encore Hips Don't Lie devant un public en délire.
Et puis, elles sont toutes les deux Latinas. Une identité qu'elles souhaitaient d'autant plus incarner aujourd'hui que cette partie de la population souffre de discrimination sévère de la part de l'administration Trump - notamment en termes de salaires, de représentation et d'opportunités professionnelles. "Cette seule déclaration donne du pouvoir", confie Jennifer Lopez au New York Times, évoquant que pour la première fois, deux Latinas étaient en tête d'affiche au concert mythique de la mi-temps.
"Quand je pense à ma fille, quand je pense à toutes les petites filles du monde, de pouvoir voir que deux Latinas (font) cela dans ce pays en ce moment, c'est tout simplement très valorisant pour nous".
Une diversité essentielle que Shakira, Colombienne originaire de Barranquilla, célèbre aussi : "Je me sens vraiment honorée de représenter autant de personnes", assurait-elle sur le plateau de Good Morning America, quelques jours avant le show. "Des femmes, des Latinas et des gens de tous âges. Je pense que J-Lo et moi sommes ici pour redéfinir les paradigmes sur l'âge, la race, les origines. Peu importe d'où vous venez, votre âge... Ce qui compte, c'est ce que vous avez à dire. Et nous sommes là, et nous avons beaucoup de choses à dire".
L'un des tableaux les plus mémorables de la performance réunit Jennifer Lopez et sa fille, Emme, ainsi qu'une vingtaine d'autres adolescentes. Ces dernières apparaissent dans des cages, assises au milieu comme pour représenter les conditions terribles dans lesquelles sont détenus de nombreux enfants, séparés de leurs familles et retenus prisonniers par le gouvernement dans des centre de détention.
La mère entame le refrain de son hymne Let's Get Loud (Faisons du bruit), emmitouflée dans une cape aux couleurs du drapeau américain sur l'extérieur, et du drapeau porto-ricain sur l'envers. Elle s'exclame alors : "Latinos !", pendant que sa fille entonne les paroles de Born in the USA, de Bruce Springsteen.
Cette association fait honneur aux deux pays, dont l'artiste et sa fille sont issues (J-Lo est née dans le Bronx de parents portoricains). Un symbole qui prône la richesse de l'immigration, qui célèbre cette double-culture mais s'adresse aussi tout particulièrement aux latinas qui, encore aujourd'hui, souffrent d'un sexisme et d'un racisme violents. "On vous voit", semble crier la performance. Et on ne peut qu'applaudir.