1,1 million de dollars. C'est la somme moyenne - plutôt considérable, avouons-le - qui différencie le salaire d'une comédienne de celui d'un comédien à Hollywood. L'usine à rêves porte bien mal son nom face à ce "gender gap" qui n'évolue guère. La preuve ? Selon une étude bien chiffrée, la disparité est presque la même en 2015 qu'en 1980, nous apprend The Guardian.
Les trois économistes à l'origine de cette enquête, Sofia Izquierdo Sanchez, John S. Heywood et Maria Navarro Paniagua, ont étudié les salaires de 246 acteurs et actrices ayant participé à 1 343 films entre 1980 et 2015. Passé au crible de multiples sources journalistiques et les données de nombreux sites professionnels, comme IMDb et Box Office Mojo. Comparé le taux des salaires en fonction des recettes et de la popularité, critique comme publique, des films. Conclusion : les actrices toucheraient un salaire inférieur de 56% à celui de leurs homologues masculins, soit jusqu'à "2,2 millions de dollars de moins par film", détaille le média britannique. Ouille.
"Nous avons été surpris de trouver un tel fossé, d'autant plus que nous parlons ici de comédiennes au plus haut niveau, comme Meryl Streep", déplore encore Izquierdo Sanchez. Loin d'être si fantasmagorique, l'univers des superstars partage donc avec le "reste du monde" un malheureux point commun : les inégalités salariales. Et oui, avancent les chercheurs, Amy Adams, à durée de travail pourtant similaire (45 jours), a bénéficié d'une rémunération inférieure à celle de ses collègues Christian Bale et Bradley Cooper sur le film American Hustle. 1,25 million de dollars pour la comédienne, 2,5 millions de dollars (par tête) pour les acteurs.
Et au sommet de la pyramide, c'est tout pareil. Alors que Dwayne "The Rock" Johnson peut se targuer d'obtenir le plus beau salaire (89,4 millions de dollars), celui de son homologue féminine Scarlett Johansson (plus haut salaire féminin) est de 56 millions de dollars, soit plus de trente millions de dollars de différence - ce qui, dit comme ça, est plutôt "pas mal". Ces chiffres-records vous donnent une petite idée de cet écart non négligeable...
Des résultats plutôt surprenants quand l'on constate que "les acteurs et les actrices [parmi les films étudiés] jouent généralement les mêmes rôles, à des niveaux similaires", précise Izquierdo Sanchez. Ce qui n'a pas empêché l'industrie du spectacle d'enfoncer le clou l'an dernier lorsque, parmi les dix films les plus rentables du box-office mondial, les têtes d'affiches masculines et féminines desdites oeuvres affichaient au niveau de leurs salaires un écart de plus de 1,8 million de dollars. Qu'importe les recettes du film, son budget ou encore les performances des comédiens, il y a fort à parier que Leonardo Dicaprio ou Brad Pitt toucheront toujours plus que Charlize Theron ou Natalie Portman. L'on se rappelle à ce titre qu'en 2018, parmi les mieux lotis de la profession, le salaire de Mark Wahlberg était de 68 millions et celui de sa consoeur Emma Stone... de 26 millions. Éloquent, n'est-ce pas ?
"Nous sommes très bien payées, il est donc difficile de se plaindre, mais cette disparité est folle !", s'était exclamée Natalie Portman en 2018. Rappelons d'ailleurs que cette dernière n'a eu que le tiers du salaire de sa co-vedette Ashton Kutcher pour le film Sex Friends. Là où les hommes gagnent un dollar, les femmes touchent 80 cents, avait ajouté la comédienne, "et ce dans la plupart des professions". Une déclaration optimiste si l'on en croit ce classement "Flops" signé Insider. Où l'on apprend qu'en partageant tous deux l'affiche sur Seul sur Mars, Jessica Chastain aurait touché 1,75 million de dollars et Matt Damon 25 millions. Que, malgré "l'ancienneté" et la teneur culte du duo, Gillian Anderson s'est seulement vue proposer "la moitié" de ce que son complice David Duchovny a remporté pour le reboot de X-Files. Ou encore que, tenez-vous bien, Michelle Williams n'a eu que le huitième de la paie de Mark Wahlberg (encore lui) pour Tout l'argent du monde.
Et s'il vous manque encore un brin d'âgisme pour épicer cette soupe au sexisme, rassurez-vous : les économistes avancent également que l'écart a tendance à s'intensifier en fonction de l'âge. Pour les actrices de plus de cinquante ans, il atteint quasiment les 4 millions par film. Bref, le "gender gap" à Hollywood est de toute évidence un bon révélateur des inégalités salariales qui caractérisent bon nombre de métiers. Et ces discriminations ne concernent pas simplement le genre. A ce titre, ce reportage détaillé de Forbes nous apprend que lorsque les comédiens (blancs) gagnent un dollar, les actrices de couleur, elles, remportent... 60 centimes en moyenne.
L'enjeu du fossé salarial démontre que malgré sa portée symbolique considérable, Hollywood n'a pas vraiment envie de "donner l'exemple" niveau parité. Selon les économistes cités par The Guardian, l'une des solutions pour combler cet écart serait de rendre publics les contrats des stars et de renforcer les protocoles de négociations des comédiennes. Alors, est-ce vraiment si utopique de rêver d'un Hollywood anti-sexiste ?