Pour comprendre pourquoi la sortie de "Love Lies Bleeding" dans nos salles ce 12 juin est un événement, il faut remonter dans le temps. Pas trop loin, rassurez-vous. Jusqu'en avril dernier, lors de la projection au sein du festival bruxellois du BIFFF du second long-métrage de la réalisatrice Rose Glass. Une projo qui engendré un véritable carnage : remarques potaches bien lourdes de mecs peu inspirés voire carrément homophobes, protestations au sein de l'audience, rixes entre spectateurs et spectatrices queer...
Cette love story lesbienne entre une gérante de salle de gym (Kristen Stewart) et une culturiste prête à tout pour gagner un concours (Katy O'Brian) prend place en plein coeur des années 80, à une époque lointaine, et pourtant, c'est un "mood" bien rétrograde qui s'est ressenti durant cette séance douloureuse du 13 avril. Ou, comme le résume le Huff Post, un cocktail "d'homophobie, toxicité et violence". Tout un programme.
Depuis le large buzz engendré par l'événement, le BIFF a présenté excuses et mesures, une sortie salles de Love Lies Bleeding a été annoncé en France, nous avons pu le voir, et spoiler : c'est un véritable ovni qui mixe les genres pour célébrer, en plein Mois des fiertés, l'irrévérence du cinéma queer. Mieux encore : c'est un film à l'érotisme franc qui met à l'honneur la plus mésestimée des grandes actrices : Kristen Stewart.
Elle y trouve même son meilleur rôle. Si si.,
Voilà qui ne devrait pas non plus enchanter les lesbophobes, mais on a rarement vu Kristen Stewart si authentique, libre et décomplexée. Toute la promo du film (shooting photos sulfureux et punchlines queer) suggère largement combien ce projet compte pour elle. La star le suggère : ce n'est pas si simple d'être une actrice lesbienne dans l'industrie, alors autant y aller franco, et soutenir un projet hors des cases.
C'est parce qu'elle semble se dévouer corps et âme dans ce film qu'elle y trouve l'un de ses plus beaux si ce n'est son plus beau rôle. Au sein d'une carrière qui n'en manque pourtant pas, car l'éternelle Bella de Twilight, a su aussi bien incarner Lady Di que Joan Jett à l'écran. Dans Love Lies Bleeding, qui a suscité de vives réactions parmi les lames les moins aiguisées du tiroir, elle se dévoile tour à tour mélancolique et badass, amoureuse et insolente. Si Katy O'Brian électrice, l'âme de cette drôle d'histoire tragicomique, c'est clairement elle.
Car Love Lies Bleeding n'est pas un ersatz de Thelma et Louise, comme on a pu tant l'entendre, non, c'est une comédie ironique mâtinée de série noire et de thriller dont les personnages riches en couleurs (dont un bad guy littéralement... paternaliste) semblent tantôt sortir d'un Tarantino, tantôt d'un film des frères Coen.
Un polar mais dans l'univers pas si mis en images du culturisme, enrichi d'un écrin vintage savoureux (eighties oblige, les mulets sont de la partie), qui recycle des codes éculés (violence, magouilles, meurtres, tentatives de fuites) pour nous emmener ailleurs, mais vraiment, loin, très loin : vers le fantasme, l'onirisme, voire le fantastique, l'horreur... Mais on ne vous en dit pas plus. Vous spoiler reviendrait à blasphémer.
Cette fable et farce (cruelle) met surtout en scène la sexualité lesbienne sans la moindre timidité et saisit bien à travers ce parti pris toute la densité d'acting d'une femme qui aime les femmes et porte sur ses épaules une love story... entre femmes. Audacieux, représentatif, par les concernées, pour les concernées.
De ce côté-là clairement, l'impact du film n'est plus à attendre : il est déjà bien réel, quand l'on observe les indénombrables hourras, gifs et fan arts déployés par la communauté LGBT sur les réseaux sociaux. On tient certainement là une oeuvre culte. Allez en salles pour soutenir le mouvement !