C'est une longue enquête du Huffington Post qui l'affirme : les parents seraient plus créatifs pour trouver des prénoms de fille que des prénoms de garçon, optant volontiers pour des prénoms moins traditionnels, plus modernes, moins conventionnels. Mais comment l'expliquer ?
Plusieurs raisons à cela, et elles sont évidemment indissociables des stéréotypes de genre. Ainsi Abby Sandel, créatrice du blog sur les prénoms de bébé Appellation Mountain, affirme qu'il serait plus difficile de bousculer les codes relatifs à la masculinité, que ce soit en terme de fringues, d'apparence ou... de prénoms.
"Malgré de nombreux progrès, nous avons toujours une définition plus étroite de ce qui est acceptablement masculin. Même maintenant, les parents admettront timidement qu'ils craignent que leurs garçons ne soient embêtés pour avoir un prénom non conventionnel", relate l'experte. Ceci expliquerait cela.
En somme, tout comme un garçon sera amené à craindre d'arborer du maquillage ou une robe, lui attribuer un prénom original susciterait une certaine appréhension chez les parents. A l'inverse, la société a volontiers banalisé voire glamourisé les femmes qui portent des vêtements typés masculins - comme des costumes, des cravates. De côté-ci, la définition semble effectivement moins "étroite".
En général, le masculin s'avère encore synonyme de tradition. Ainsi Abby Sandel rappelle-t-elle que le prénom d'un garçon se réfère encore souvent à celui de son père ou de son grand-père. Là encore, ce qui semble appartenir au passé n'est guère bousculé. De même, détaille le Huff, les parents seraient plus susceptibles d'attribuer des prénoms masculins à leurs filles que l'inverse.
"Nous voyons souvent des parents adopter ce qui était un nom de garçon et le donner aux filles. C'est une façon de faire paraître votre fille comme un peu cool ou non conventionnelle", explique ainsi Gwen Sharp, professeure de sociologie au Nevada State College. L'inverse est beaucoup plus compliqué.
"Souvent, les prénoms plus originaux sont ambigus en matière de genre, et les recherches démontrent que les parents sont beaucoup plus ouverts quand il s'agit d'attribuer un prénom à leur fille", abonde Dalton Conley, professeur de sociologie à l'Université de Princeton. Autre élément observé en ce sens par les experts : à mesure que de plus en plus de filles reçoivent un nom qui était auparavant considéré comme masculin, les parents vont tout simplement cesser de l'utiliser pour les garçons.
Chaque spécialiste s'accorde à dire que les prénoms n'ont rien d'anodin. Plus qu'un marqueur d'identité intime, d'appartenance au monde, ils témoignent des mécanismes de notre système patriarcal, et, en l'occurrence, de ses normes de genre rigides qui débutent dès l'enfance, et plus encore, dès la condition de bébé.
Lueur d'espoir cependant, les spécialistes s'accordent également à dire que les évolutions sociétales actuelles vont inciter à bousculer ces traditions. "De plus en plus de parents recherchent des prénoms 'différents' pour les fils", assure Cleveland Evans, professeur émérite de psychologie à l'Université de Bellevue et ancien président de l'American Name Society., qui a observé la popularité de prénoms masculins moins conventionnels.