On va peut-être s'attirer les foudres des fans hardcore ou des âmes aisément attendries devant une piètre déclaration romanesque après tromperie ou plantage devant l'autel. Tant pis. On le dit haut et fort : il y a des couples de séries qui puent l'embrouille et sont quand même érigés en modèles relationnels ultimes. Il est temps que ça cesse.
Nous sommes en 2021, fini les enfumages amoureux à base de "Il me fait tourner en bourrique depuis deux ans mais me dit que s'il est méchant, c'est parce qu'il ne sait pas comment m'avouer ses sentiments, et m'offre des roses de supermarché fanées en haut de l'Empire State Building, donc ça va". Place au décryptage objectif de ces duos qui nous faisaient rêver jadis, mais traduisent en réalité une trame made in patriarcat inspi' perversion narcissique que "discutable" ne saurait qualifier à sa juste valeur.
Après vous.
On commence fort, en touchant à l'un des Graal télévisuels américains. Et on n'est pas désolé·e·s. Friends a fêté ses 20 ans cette année et, surprise, deux des membres du casting ont quelques jours plus tard été aperçu·e·s en train de se rouler des pelles au coin de la rue (probablement pour attirer l'attention). Jennifer Aniston et David Schwimmer, qui jouaient respectivement Rachel et Ross dans le show. Justement le couple mythique autour duquel la quasi totalité du scénario est écrit. Et parlons-en, de ce couple.
Quand Ross, qui est complètement obnubilé par Rachel depuis 10 ans environ, sort enfin avec elle, il se transforme en petit ami insupportable. Jalousie excessive, réaction pourrie à sa grossesse, sans parler de ses sorties homophobes ou sexistes qui n'ont rien à voir avec le sujet mais qui méritent d'être rappelées : c'est non. Et puis bien sûr, la façon dont il se rue sur la "hot girl from the Xerox place" pendant leur "pause" : pathétique.
Le vrai "couple goal" de la série, en fait, c'est Chandler (Matthew Perry) et Monica (Courtney Cox). On ne nous l'enlèvera pas.
Par où commencer. Pendant dix ans, Carrie Bradshaw (Sarah Jessica Parker), personnage principal de Sex & the City particulièrement égoïste et irritable au demeurant, court après un mec qui n'en a pas grand-chose à faire de sa personne, la cache à son entourage, n'est pas foutu de lui dire qu'il n'y a qu'elle, et finit par en épouser une autre après lui avoir assuré que le mariage n'était pas pour lui. John "Mr Big" Preston (Chris Noth), pour vous servir.
Quand elle passe enfin à autre chose (avec Aidan- joué par John Corbett) d'abord, autre homme cishet blanc qui, lui, devrait bosser ses excès de possessivité en thérapie, Mr Big se pointe et fait miroiter à Carrie monts et merveilles jusqu'à ce qu'ils aient une liaison. Elle apprend de son erreur, se remet de ses émotions, se blottit quelque temps plus tard dans les bras du peintre russe Alexandr Petrovsky (encore un cas, cette fois à l'ego surdimensionné) et se barre outre-Atlantique pour vivre sa meilleure vie qui deviendra rapidement moisie à Paris.
Et qui se pointe - encore - pour lui promettre - encore - la lune et la sortir de son piège de cristal ? Big, bien sûr. "Il n'y a que toi", qu'il lui dit enfin sur le Pont des Arts. Pas de bol pour celle qui y croit dur comme fer, à peine trois ans plus tard, ses doutes de mâle fragile le rattraperont à cinq minutes de lui dire "oui". Elle, embrassera Aidan lors de retrouvailles inutiles à Abu Dhabi dans le deuxième film. Alerte couple solide (non).
OK, la happy end y est. Mais vraiment, qui a envie de souffrir autant ?
Là, on enfonce une porte ouverte. Ou on "félicite" les scénaristes d'avoir réussi le plus gros gaslighting/syndrome de Stockholm de l'histoire de la télé US. Car avant d'être le dandy au coeur tout mou sous ses airs de gros dur qui faisait chavirer pas mal d'entre nous (on avoue), Chuck Bass (Ed Westwick) n'est autre... qu'un prédateur sexuel à l'obsession préoccupante pour les noeuds-papillon.
Dans le premier épisode, il tente de violer Serena van der Woodsen (Blake Lively) dans les cuisines de son hôtel, et toujours dans la saison 1, il agresse sexuellement Jenny Humphrey. Inutile de préciser qu'il s'en tire sans encombre, le sujet étant par ailleurs passé sous silence par les scénaristes dans le plus grand de tous les calmes. Et son caractère problématique ne s'arrête pas là.
S'ajoute à ce qui aurait pu lui valoir un procès et une condamnation dans un monde utopique avec système judiciaire non défaillant, sa décision de troquer "l'amour de sa vie", alias Blair Waldorf (Leighton Meester), contre son empire hôtelier auprès de son oncle, et celle de laisser son père (Bart Bass, qui est le mal incarné, certes, mais tout de même) s'écraser du haut d'un immeuble.
Blair, elle, n'est clairement pas un ange non plus, et passe, comme Carrie Bradshaw, sa vie à attendre que son âme-soeur daigne être prête à s'engager. Une dynamique qui, quand on y pense, rendrait presque attrayant son destin tout tracé avec Nate (Chace Crawford). Ou le couvent.
Cristina Yang (Sandra Oh) étant la déesse qu'elle est, on aurait aimé qu'elle ne se frotte pas à Owen Hunt (Kevin McKidd), vétéran revenu d'Irak et porté aux nues dans Grey's Anatomy de par son statut fantasmé de marine traumatisé qui opère à coeur ouvert avec un ouvre-boîte (on exagère à peine).
Dommage, elle va faire les frais de ce type abusif qui la shame sans vergogne quand elle explique ne pas vouloir d'enfants, et la fout à la porte quand elle évoque l'idée de l'avortement. Il l'accompagnera à la clinique mais lui balancera à la figure, devant témoins, qu'elle a "tué leur bébé". Odieux.
Heureusement, elle ne finira pas ses jours avec et ira en couler de meilleurs en Suisse, à Zurich, en acceptant le poste de directrice du service de chirurgie cardio-thoracique dans la clinique privée de Preston Burke (Isaiah Washington), son ex-fiancé tout aussi ravagé que le suivant.
Ça ne commençait pas trop mal. Dans l'imaginaire flamboyant de La Chronique des Bridgerton, carton intersidéral sur Netflix début 2020, le duc Simon Basset de Hastings et Lady Daphne Bridgerton entamaient leur relation sur un stratagème vu et revu mais satisfaisant, et tombaient petit à petit amoureux au fil de promenades interminables sur les allées de Painshill Park, dans le Surrey.
On aurait pu les croire voués à un futur paisible baigné dans le luxe et ponctué de coïts visiblement orgasmiques. C'était sans compter, au-delà de scènes gênantes de lenteur à souhait, sur un mariage plutôt forcé, des mensonges craignos et un désir d'enfant qui dépasse tout chez elle, même le consentement de son "aimé". Le conte de fées devient sordide et la flamme vire au froid glacial. Pourtant, là encore, aucune mention dans le récit d'un passage problématique au bas mot.
Sur Twitter, une internaute avait lâché, envieuse, après un binge-watching passionné : "Une relation à la Simon et Daphne de 'Bridgerton' ou rien". Perso, on prendra "rien". Sans hésiter.