La députée et numéro 2 du parti travailliste britannique Angela Rayner est au coeur d'une vive polémique, et la cause est davantage la sexualisation de son corps par un tabloïd graveleux que son parcours remarquable ou ses idées politiques.
Le dimanche 24 avril, le Mail on Sunday lui a consacré une pleine page titrée "Des conservateurs accusent Angela Rayner d'utiliser la stratégie Basic Instinct pour déconcentrer Boris (Johnson, Premier ministre conservateur du pays, ndlr)", et illustrée d'une photo de la parlementaire, "assise sur les bancs de l'opposition à la Chambre des communes, longue chevelure rousse, collants noirs et jambes croisées", décrit Le Monde. Image juxtaposée à un cliché de Sharon Stone dans Basic Instinct.
Glen Owen, rédacteur en chef politique du journal et auteur de l'article, cite les prétendus propos d'un élu du parti du Premier ministre : "[Angela Rayner] sait qu'elle ne peut pas concurrencer les qualités d'orateur acquises par Boris à l'Oxford Union [un des clubs les plus sélects de l'université d'Oxford], mais elle a d'autres talents – qu'il n'a pas", aurait-on confié au journaliste peu scrupuleux.
"On me sous-estime souvent. Je suis jolie, j'ai de longs cheveux roux, beaucoup pensent que je suis stupide quand ils me voient pour la première fois", avait confié la principale concernée dans une longue interview dans les colonnes du Guardian. Angela Rayner, 42 ans, a connu une ascension incroyable dans la classe politique britannique.
Enceinte à 16 ans, elle a quitté l'école sans diplôme. Elle a suivi une formation d'assistante sociale, avant d'intégrer Unison, principal syndicat du service public outre-Manche. En 2015, elle est élue dans la ville d'Aston-under-Lyne, circonscription de la région de Manchester, rappelle Le Monde. Et aujourd'hui, elle pourrait avoir l'ambition de diriger le parti travailliste.
Sur Twitter, Angela Rayner a qualifié les accusations du Mail on Sunday de "sexistes", commentant que, face au scandale du "partygate" qui frappe de plein fouet Downing Street, "les soutiens de Boris Johnson ne savent plus quoi inventer pour tenter de sauver sa peau". Et d'épingler : "On m'accuse de comploter pour distraire le Premier ministre, pour le neutraliser, tout ça parce que je suis une femme, que j'ai des jambes et que je porte des vêtements. Vous voyez le tableau." Malheureusement, très clairement.
De nombreux soutiens se sont rapidement déclarés en début de semaine. Notamment, le speaker de la Chambre des communes, Lindsay Hoyle, qui a exigé un rendez-vous avec la direction de la rédaction du tabloïd. Bien que très attaché à la liberté de la presse, il a décrit les propos tenus comme "misogynes et offensant", précise encore Le Monde.
La Première ministre d'Ecosse Nicola Sturgeon a exprimé sa "solidarité avec Angela Rayner", ajoutant que ces attaques "prouvent la profonde misogynie dont sont encore victimes les femmes".
Et de conclure : "Quant au passage sur les talents d'orateur de Johnson acquis à Oxford, il est totalement ridicule. Pour ce que j'ai pu en constater, sur ce terrain [Angela Rayner] peut largement le battre".