Ça, c'est fait : Alexander Boris de Pfeffel Johnson (Boris pour les intimes) vient de succéder à Theresa May au poste de Premier ministre du Royaume-Uni. La prise de pouvoir de l'un des plus fervents défenseurs du Brexit est (très) loin de susciter un enthousiasme démesuré. Et pas simplement à cause de sa réputation (assumée) "d'europhobe" endurci. Sur la Toile, d'aucuns rappellent déjà les dérapages du politicien en brandissant le plus cinglant des hashtags : "#NotMyPM". "Pas mon Premier ministre".
"Plus de 100 000 conservateurs ont élu un Premier ministre bigot, sexiste et franchement désastreux. Cette nomination ne reflète ni la Grande-Bretagne moderne ni l'ambition démocratique de notre nation", déplore à ce titre la politicienne britannique Naz Shah, ancienne figure de proue du Parti travailliste. Les noms d'oiseaux fleurissent de part et d'autres et cela n'a rien de très étonnant. Pour le comprendre, il suffit d'un léger coup de rétro.
Spoiler alert : Boris Johnson n'est pas vraiment un "allié" féministe. Il n'a jamais soutenu les mesures en faveur du droit à l'avortement. D'aucuns voient en cette abstention un exemple parmi d'autres du manque de considération que voue le Premier ministre à la condition des femmes. Inutile de chercher bien loin pour s'en douter. En mars dernier, au bureau des Affaires étrangères, celui qui n'était alors "que" secrétaire d'État s'était permis d'appeler la députée Emily Thornberry par... le nom de son époux (Christopher Nugee). Ce qui n'avait pas vraiment plu au président de la Chambre John Bercow, jugeant cette attitude "inapproprié et sexiste".
De sa description des Jeux olympiques de Londres en 2012 ("des femmes à moitié nues jouent au volleyball (...) [et] brillent comme des loutres mouillées") à ses grandes théories sur les différences entre hommes et femmes ("Les hommes ont des conduits lacrymaux de formes différentes, ils peuvent donc retenir plus longtemps leurs larmes"), les punchlines machos ne manquent pas.
Bref, la nomination de Johnson "fait reculer le féminisme et les droits des femmes de plusieurs décennies" déplore à ce titre Kellie O'Dowd, coprésidente du groupe de campagne Alliance for Choice (sur la défense des droits de l'avortement), à Refinery29. Puis il y a eu ce scandale en juin dernier : l'intervention de la police au sein de l'appartement que partage Boris Johnson avec sa petite amie Carrie Symonds. Une violente dispute aurait éclaté. Des claques et des coups auraient même été entendus. Symonds aurait crié : "Sors de mon appartement". Les voisins n'ont pas été les seuls à s'inquiéter de cette situation ("Je pensais que quelqu'un était en train d'être assassiné", a carrément décoché l'un d'eux). Des associations comme End Violence Against Women, consacrées aux violences conjugales et aux violences faites aux femmes, s'y sont mêlées, incitant ceux et celles qui se sentent "préoccupés par la sécurité d'autrui" à "prendre des mesures". Johnson crie volontiers à la diffamation. Affaire à suivre.
Le tact de Boris Johnson ne s'arrête pas là. Cela fait vingt ans que l'ancien chroniqueur se permet les saillies les plus homophobes. Les propositions de loi en faveur des droits des personnes homosexuelles ? "Une parodie", écrit-il dans les pages du Telegraph, en 1998. Le mariage gay ? Une forme de "bestialité", à en lire son livre Friends, Voters, Countrymen (2001), où il compare l'union entre hommes à celle d'un homme "et d'un chien", comme le relève Business Insider.
En 2018 encore, Boris Johnson a insisté pour que soit validé un projet de loi visant à interdire les mariages entre personnes de même sexe aux Bermudes, un territoire britannique d'outre-mer. Une loi qui sera par la suite vivement contestée par la Cour suprême et la Cour d'appel.
Le style Johnson, c'est encore un habile cocktail de sexisme et d'islamophobie. En 2018, l'espace d'un article publié sur The Telegraph, il comparait les femmes musulmanes portant la burqa à des "boîtes aux lettres" et à des "braqueurs de banque". Treize ans plus tôt, l'intéressé se dédouanait totalement de ses propres préjugés en expliquant dans The Spectator que, "pour tout lecteur non-musulman, l'islamophobie - la peur de l'Islam - semble être une réaction naturelle". Sa "prose" n'a jamais cessée d'être incendiaire. "Il faut dégager le premier des tabous et accepter le fait que le problème est l'Islam", affirmait-il suite aux attentats qui ont bouleversé Londres en 2005.
Sexisme, homophobie, islamophobie... Voilà qui promet une investiture riche en facepalms.