La drague en dit long sur notre société, et les rapports de domination qui y sont ancrés. Les attentes que l'on a d'une rencontre, d'une relation, les rôles que l'on projette quasi inconsciemment sur un·e potentiel·le partenaire selon son genre... Autant de comportements qui, qu'on le veuille ou non, sont difficiles à faire avancer.
Dans sa dernière étude, menée pour Love Advisor, l'Ifop a justement observé les rituels adoptés par les Françaises hétérosexuelles lorsqu'il s'agit de séduire. Et les inégalités débutent avant même d'avoir adressé la parole à l'autre.
Ainsi, pas moins de neuf femmes sur dix préfèrent encore que les hommes fassent le premier pas. Une réalité qui s'explique, comme pointé dans 49 % de citations recueillies, par "la crainte du 'non' entachant sa confiance en soi, plus fragile chez les femmes soumises à davantage de pressions et d'injonctions", constate le rapport. Et d'analyser encore : 34 % d'entre elles ont peur d'être perçues par les hommes comme une 'fille facile'. Autant d'appréhensions qui témoignent d'une misogynie persistante.
Bonne nouvelle cependant : 63 % des sondées ont déjà fait le premier pas une fois dans leur vie, et 77 % trouvent ça "normal" qu'une femme soit à l'initiative d'un rendez-vous amoureux. Comprendre qu'elles ne jugeraient pas d'un mauvais oeil qu'une de leurs consoeurs prennent les rênes. Mais pour la quasi totalité d'entre elles, si l'homme entame la parade, c'est quand même mieux.
D'ailleurs, quand on parle d'habitudes un brin archaïques, la galanterie n'a pas l'air près de disparaître. 66 % des participantes estiment ainsi, aujourd'hui encore, que leur homologue masculin se doit ouvrir la porte avant elle, et 51 % que c'est à lui de payer l'addition. Un phénomène qui porte aussi un nom moins flatteur : le "sexisme bienveillant".
Alors, comment les Françaises finissent-elles pas se lancer dans le bain de la séduction ? Par une "approche indirecte", révèle l'Ifop. "Plus de la moitié des femmes abordent les personnes de manière détournée", et "le recours à Internet s'impose aujourd'hui comme dominant".
Devant ces chiffres évocateurs sur un sujet "loin d'être frivole", Louise Jussian, chargée d'études et analyste pour l'Ifop, souligne : "Les comportements de séduction des femmes revêtent un véritable enjeu pour l'égalité des genres." Elle ajoute : "Cette étude nous révèle en effet que les normes de séduction sexistes sont encore ancrées dans l'imaginaire, y compris féminin. La 'séduction à la française' incarnée dans les règles de galanterie semble encore occuper une grande place dans les représentations associées à la séduction, notamment dans les rapports hétérosexuels."
Seulement, tout espoir n'est pas perdu. Et il se dessine dans les mouvements néo-féministes. "A l'ère post-#MeToo, une friction émerge entre une adhésion persistante aux règles désuètes de galanterie et les signes encourageants d'une prise en main féminine. Il est en effet davantage accepté qu'une femme fasse le premier pas, et elles sont près de deux tiers à l'avoir déjà expérimenté. A la pointe de cette vague d'empowerment féminin, les trentenaires, les femmes ayant le plus confiance en elles ou les plus féministes semblent porter un nouvel idéal de séduction plus égalitaire." Vivement.