Le porno est un sujet qui divise toujours autant au sein des mouvements féministes. Et ce, même lorsque des réalisatrices s'exercent au "porno éthique", ces films pour adultes plus égalitaires et inclusifs, soucieux du désir féminin et de la réciprocité, délivrant de nouvelles visions au sein d'une industrie traversée depuis longtemps par des fantasmes masculins et hétéronormés.
Cependant, le X, et plus précisément les contenus des tubes, trop accessibles selon certaines voix, laissent souvent entrevoir un autre enjeu, contesté par certains, source d'alertes considérables pour d'autres : l'addiction que peut engendrer une consommation excessive de porno. Des regards scientifiques se sont longtemps attardé sur le sujet. Mais également, des personnalités médiatiques, entre observations, critiques et études.
Mais peut-on vraiment agir face à ce phénomène ? Réponses.
Parler "d'addiction" n'est jamais évident : bien souvent, ce terme est employé pour diaboliser un champ au sein duquel des voix alternatives, féminines et féministes, s'exercent à perdurer (en vidéos, oui, mais aussi en podcasts), malgré le retentissement plus ample des productions "mainstream".
Cependant, spoiler alert, l'idée n'est pas insensée : oui, dans la vie, l'idée de consommation excessive est rarement synonyme de pratique saine. C'est pour cela que d'aucuns, plutôt que "d'addiction", parlent de "dépendance". Ce qui serait plutôt le cas des chercheurs berlinois de l'Institut Max Plank for Human Development, qui ont observé, après avoir étudié 64 hommes en bonne santé d'âges multiples, qu'une consommation élevée aurait des effets directs sur le volume de matière grise dans le lobe droit du cerveau.
En gros, regarder trop de porno provoquerait "une réduction de la taille et de l'activité du cerveau", et plus précisément, de cette partie que l'on nomme "striatum", située sous le cortex cérébral. C'est la recherche perpétuelle de plaisir, et l'exigence de cette stimulation par le cerveau, qui provoque une dépendance. Un processus finalement bien connu.
"Le porno active les mêmes parties du cerveau que le crack", affirment de leur côté les spécialistes interrogés par les membres de la délégation aux droits des femmes du Sénat en juin dernier. Mais quelles en sont au juste les conséquences ? Selon Maria Hernandez-Mora, psychologue clinicienne spécialisée dans les addictions sexuelles, elles seraient alarmantes.
Perte de confiance en soi, anxiété, irritabilité, mais aussi, problèmes d'interactions intimes... Les effets seraient indéniables, relate Neon. Selon les spécialistes, une consommation trop banalisée contribue aussi à intérioriser les stéréotypes de genre, comme le culte de la performance masculine.
Dès lors, comment agir au juste ? Réguler sa consommation semble être LA solution qui coule de source. Sur les réseaux sociaux sont d'ailleurs organisés des challenge comme le "Sextember". L'idée ? Se passer de porno un mois durant, afin de prendre du recul. Mais également, afin d'inciter les jeunes générations à (re)découvrir la sexualité "ancrée dans le réel", et participer à pallier un manque flagrant d'éducation sexuelle.
L'éducation occupe effectivement une place primordiale dans ce processus. Rappeler le caractère irréel du porno, l'importance du consentement et de la réciprocité dans le plaisir importe - ce dernier élément était déjà la conclusion de Don Jon, film de Joseph Gordon-Levitt explorant le sujet de la dépendance au porno. Rappeler également que le culte de la pénétration qui envahit le porno n'est pas une fin en soi.
Voilà pour le fond, mais pour la forme ? D'autres formes de contenus, plus créatifs et exigeants, comme les podcasts pornos, constituent une alternative intéressante aux vidéos qui défilent sur les plateformes bien connues. Elles permettent un rapport moins primaire au désir, remettent volontiers les voix féminines au premier plan et bien souvent, en proposent une vision plus inclusive, plurielle et épanouissante.
Cependant, l'idée qu'il existe des "solutions" concrètes fait encore débat - tout du moins, la consommation peut s'alléger. A 20 Minutes, Sylvain, qui évoque une "dépendance au porno", aborde ce sujet : "C'est une addiction sans substance, ce n'est pas de l'alcool, ce n'est pas de la drogue. On n'ingère rien, on ne se pique pas, donc il n'y a pas de substitut. C'est un besoin, comme un alcoolique qui a besoin de sa dose".
Mais Sylvain affirme également s'être passé de porno durant 57 jours, et avoir fréquenté une association : les Dépendants Affectifs et Sexuels Anonymes. L'on pourrait également évoquer d'autres formes d'aides assurées par des experts. Par exemple ? S'informer et entrer en contact avec un sexologue, un thérapeute ou un médecin, entre autres spécialistes de la santé (physique et mentale), qui pourraient répondre à cette expérience individuelle.
Comme l'a rappelé récemment Néon, la dépendance au porno n'est pas simplement une formulation en l'air, c'est un sujet d'actualité, à l'heure où des stars comme Billie Eilish l'ont volontiers abordé en interviews.
"J'avais l'habitude de regarder beaucoup de porno. Et ça a ruiné mon cerveau", a déclaré cette dernière l'an dernier. "Quand j'ai commencé à faire l'amour, je ne disais pas 'non' à des choses qui pourtant n'étaient vraiment pas OK. Le porno a ruiné ma vie", poursuit la jeune artiste au Howard Stern Show.
Incidences négatives sur la santé mentale, rapport altéré au consentement, dépression... Sont les conséquences d'une consommation excessive, selon Billie Eilish. Mais pas seulement. Cette relation fut synonyme de complexes physiques : "Pour moi, en tant que femme, le porno est une honte. Je pense que ça a détruit mon cerveau. L'apparence des vagins dans le porno est aberrante. Aucun vagin ne ressemble à ça. Et le corps des femmes ne ressemble pas à ça", poursuit l'interprète de "Happier than ever".
Un mal-être qui pourrait être générationnel ? Le Guardian s'est sérieusement posé la question. "Billie Eilish inspire des conversations maladroites mais vitales sur le porno", affirme le journal britannique. "C'est une conversation délicate, mais qui doit être tenue. Je ne suis pas sûre qu'elle aurait su évaluer le niveau 'd'éthique' des contenus qu'elle a pu visionner très tôt, mais ce qui compte, c'est qu'on écoute ce qu'elle a à dire !". Un sujet sensible donc.