Alain Jakubowicz, ancien président de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), a décoché un tweet au sujet de la tenue que portait la députée FI Ersilia Soudais dans l'hémicycle, en ironisant, photo à l'appui : "Tenue d'hiver d'une députée. On redoute l'été...". Un commentaire des plus déplacés que la ministre déléguée à l'Egalité femmes-hommes Isabelle Rome a désigné comme "des attaques misogynes et sexistes".
La ministre n'a pas été la seule à s'en indigner. "Supprimez votre tweet. S'en prendre à une femme politique sur la base de sa tenue est une discrimination des plus classiques. Celle provoquée par le machisme. Ne le voyez-vous pas ?", a fustigé en retour la députée insoumise Raquel Garrido. "Votre tweet est profondément sexiste pour ne pas sire misogyne. Il est temps de raccrocher", a dénoncé à l'unisson la députée Nupes Ségolène Amiot.
Ce commentaire en dit long sur le sexisme qui touche la sphère politique. Comme un reflet de notre société, ladite sphère n'est jamais avare concernant les commentaires de ces messieurs sur le physique et les tenues des femmes. On se rappelle notamment des huées sexistes dont avait été victime Cécile Duflot au sein de l'Assemblée nationale en juillet 2012, pour avoir simplement arboré... une robe à fleurs en été. Oui oui.
Une décennie plus tard, ce n'est pas vraiment mieux.
Et si on arrêtait d'objectifier les femmes politiques ? La proposition semble folle - imaginez un peu, de la politique sans sexisme - mais elle devrait être sérieusement examinée. Comme le rappelle à Slate Sophie Lemahieu, autrice de S'habiller en politique, les tenues des députées faisaient déjà l'objet de discours patriarcaux en 1936, dès l'entrée des premières femmes à l'Assemblée nationale : "Une question se posait alors : doivent-elles garder leur chapeau à l'Assemblée nationale ? Suivre les normes de la féminité de l'époque ? Car si les hommes ont le droit d'enlever leur chapeau comme ils le souhaitent, alors que les femmes doivent rester couvertes".
De Michèle Alliot-Marie, alors cheffe de cabinet de la Ministre des Universités pointée du doigt pour son port du pantalon en 1974 (port qui ne sera officiellement autorisé pour les femmes dans l'hémicycle que huit ans plus tard) à la misogynie subie par la Première ministre Edith Cresson dans les années 90, objet de commentaires déplacés sur ses tailleurs et ses collants, les femmes politiques ont toujours subi les mêmes remarques concernant leur tenue qui "ne serait pas respectable". Encore récemment, on moquait le costume vert de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot.
"Je ne sais pas comment il faut s'habiller ou se coiffer pour que les députés ne critiquent pas. Une femme est un objet pour eux. Idem pour les journalistes, qui lorsque j'étais cheffe du gouvernement se mettaient à genoux devant ma voiture pour filmer mes jambes. L'attitude de ces gens-là était inimaginable", dénonçait justement Edith Cresson en 2021. Des observations qui hélas ne sont guère démodées, quand on pense par exemple au tweet sexiste décoché récemment par Gilbert Collard au sujet du haut de la députée Ségolène Amiot.
Déplorable au sein d'une sphère des plus inégalitaires : rappelons à ce titre que l'Assemblée nationale ne comporte que 37 % de députées. En attendant, la Licra a également épinglé les propos sexistes d'Alain Jakubowicz. Et affirmé l'espace d'un communiqué condamner catégoriquement "les attaques misogynes et sexistes qui attentent à la dignité de la personne humaine autant qu'elles disqualifient leurs auteurs et avilissent la parole publique".