Elle nous a ému dans le film Sagan (2008), ébloui dans Stupeurs et Tremblements (2003), et profondément marqué dans Les Blessures assassines (2000). Actrice de talent, Sylvie Testud fait partie des grands visages du cinéma français.
On la retrouve au cinéma ce mercredi 6 juin, dans le nouveau film de Stanley Tucci, Alberto Giacometti, The Final Portrait, biopic sur le célèbre peintre et sculpteur suisse Alberto Giacometti. Sylvie Testud campe le personnage d'Annette Giacometti (ou Annette Warm), emblématique de l'oeuvre de son mari, muse par excellence dans les années d'or d'Alberto Giacometti.
Le film de Stanley Tucci nous dévoile un long-métrage sur la création artistique et la passion avec, au milieu, le triste quotidien d'une femme entièrement dévouée à son mari mais totalement délaissée par ce dernier au cours des dernières années de sa vie. Un personnage complexe que Sylvie Testud incarne avec brio. L'actrice a accepté de répondre à notre interview "Girl Power".
Sylvie Testud : J'ai accepté pour plein de raisons. D'abord, parce qu'Alberto Giacometti est un grand artiste et que le film évoque le thème de la passion sous toutes ses formes, de la relation humaine et amoureuse. Et aussi pour Stanley Tucci, Geoffrey Rush, Armie Hammer [même si on me l'a dit plus tard]. Et, bien sûr, pour Clémence Poesy, qui est une super actrice.
S.T : Oui, bien sûr, on cherche toujours à avoir un maximum de détails possibles sur le rôle qu'on va interpréter. Malgré tout, Annette est un personnage de l'ombre, j'ai donc été obligée de me faire un personnage basé sur celle qu'elle partageait avec Alberto Giacometti. J'ai lu par exemple qu'elle est restée pendant 5 ans avec le même manteau et qu'elle gelait dans l'atelier de Giacometti où elle vivait toute l'année, et où il faisait parfois 4 degrés.
Elle n'avait pas d'argent, donc elle devait toujours tout demander à son mari. Il lui répondait qu'elle n'était qu'une bourgeoise, qu'elle n'avait pas de sens de la création. Or, ce n'était pas elle l'artiste ! Tous ces éléments m'ont aidée petit à petit à dessiner un croquis de la personnalité d'Annette.
S.T : Je vois beaucoup de souffrance, par amour, pour rester au plus proche de la création. On n'a qu'une vie, et savoir que cette femme s'est si peu défendue, qu'elle ait accepté de faire partie du décor à ce point, me rend très triste. Alberto n'est même plus inspiré par Annette, même pas jaloux de ses amants. On ne peut pas parler de maltraitance, je pense, mais plutôt d'abandon. Annette passe par différentes phases, elle a des moments de rébellion, puis des moments d'acceptation, et aussi de grande tristesse... c'est d'une violence folle.
Que trouve-t-elle à rester là, à part le fait de se dire que si elle avait quitté cet atelier froid et horrible, sa vie aurait été d'une platitude sans nom ? Est-ce qu'on préfère être une petite souris dans son coin qui regarde mais à l'endroit qu'on respecte ou à l'extérieur ?
Je pense qu'au fond d'elle, elle savait que si elle partait, le plus triste des deux, ça aurait été lui. Parce que la seule chose qui reste d'humanité chez cet homme, c'est elle. Alberto est avalé par sa passion artistique. Et Annette est justement la gardienne de cette création.
S.T : Je n'ai pas pu assister à la montée des marches des 82 femmes, car je suis partie la veille. Mais je l'ai beaucoup regretté, car j'ai trouvé que c'était une super initiative. Ce que j'aurais adoré, c'est que le festival organise derrière une marche avec 82 hommes du cinéma, pour montrer qui étaient les supporters de ces nanas, histoire de ne pas faire d'opposition.
J'aurais aimé que l'on nous dise :'écoutez, on en ras-le-bol de se faire emmerder, mais ce n'est pas pour autant qu'on va emmerder les autres'. Ce serait génial si le discours pouvait tourner comme ça. On gagnerait partout.
S.T: Malheureusement, on n'est pas encore à la parité. Même si je pense qu'entre un film super réalisé par un homme et un film mauvais réalisé par une femme, il faut choisir le film de l'homme. Mais en revanche, des nanas bien, il y en a partout. Donc il y a bien moyen que le nombre de réalisatrices augmentent un peu. Faut arrêter de déconner, le chiffre est super faible.
Mais je pense qu'on aurait tort de dire que cette inégalité n'émane que des hommes. Je connais des femmes qui s'en sortent très bien et qui ne sont pas d'une grande solidarité vis-à-vis des autres femmes pour autant. Dans le cinéma, mais aussi un peu partout. Le machisme au féminin n'est pas bon non plus !
S.T: Je suis surtout triste qu'on en soit encore là. Mais si ça existe, cela prouve bien qu'on en a besoin. Même si cela n'avait aidé que 10 femmes, il aurait fallu qu'il y soit.
S.T : Simone de Beauvoir, Sonia Rykiel et madame Montessori.
S.T : Je dirais que je suis une féministe dans le sens où j'aime bien que les femmes soient hyper libres et qu'elles fassent ce qu'elles veulent, qu'elles aient même le droit d'être cons. Moi je m'offre ce droit, et j'aimerais bien que toutes les femmes se l'offrent également. [rires]
S.T : J'aimerais que les femmes n'aient plus à se poser de questions sur ce que les femmes ont le droit de faire ou non, par exemple sortir le soir et rentrer à 4h du matin complètement bourrée, en minijupe. Et aussi sortir avec trois mecs dans la même soirée, et avoir ensuite le droit de dire "non" !
S.T : Cette question précisément. "En tant que femme". J'aimerais que l'on ait plus à se la poser. Il faudrait que ce soit pareil pour tout le monde, pour les femmes, les hommes, les enfants.
S.T : À Cannes, certainement ! Je portais une belle robe de chez Jean-Paul Gaulthier. Quand vous sortez de la voiture, vous avez tous ces gens montés sur des échafaudages qui vous appellent, et vous êtes bien contente avec vos talons qui font 15 centimètres. Vous avez l'impression que vos jambes sont beaucoup plus longues, que vos cheveux sont beaucoup plus beaux, et alors là, on est bien ! [rires].
S.T : J'aimais beaucoup Laura Ingalls dans La petite maison dans la prairie. Je la trouvais hyper cool. Elle était sympa, elle était insolente, elle désobéissait mais en même temps, elle était hyper gentille. Je trouvais que Marie, à côté, était bien pâle !
S.T : J'aime beaucoup Claire Danes, dans Homeland [qui joue Carrie Mathison]. J'adore cette nana : elle est aussi belle, que parfois elle a un physique particulier. Elle a tout, elle s'offre tout, elle se permet d'être jolie ou moins, d'être sympa, ou moins, d'être sensuelle, et par moment c'est un bon petit camionneur ! [rires]. Et je trouve cette série formidable.
S.T: Enough is enough, de Barbra Streisand et Donna Summer. Je les adore toutes les deux !