Simone de Beauvoir entre enfin dans la bibliothèque de la Pléiade ce jeudi 17 mai. Mais on peut réellement se demander pourquoi cela aura pris autant de temps. Elle aura patienté trente-deux ans après sa mort, son compagnon Jean-Paul Sarte lui seulement deux ans. Encore un exemple flagrant de l'invisibilisation des femmes de l'Histoire et de la pensée. D'ailleurs le mot "invisibiliser" vient d'intégrer le dictionnaire.
C'est après la mort de Jean-Paul Sartre que Simone de Beauvoir à la santé déclinante s'inquiète de son héritage. Que vont devenir ses écrits ? Alors qu'elle ne veut pas que sa soeur Hélène s'en occupe, elle adopte Sylvie Le Bon qui devient légataire des droits de l'oeuvre de Simone de Beauvoir. Il n'était pas question de relation de mère et fille mais plus de relations de travail et d'amitié.
Avec cette nouvelle arrivante, elles ne sont que quinze femmes dans la Pléiade contre 209 hommes. On y trouve Madame de Sévigné, la première. Les lecteurs et les lectrices ont dû attendre le 97e volume pour que Gallimard daigne s'intéresser à une autrice. On y trouve aussi George Sand, Marguerite Yourcenar, Colette, Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Madame de Lafayette, Jane Austen, les soeurs Brontë, Virginia Woolf et Thérèse d'Avila.
Dans une interview donnée à France Culture, Jean-Yves Mollier, professeur émérite d'histoire contemporaine et spécialiste de la Pléiade, se désole littéralement de la place qui est laissée aux femmes : "Voilà à quoi, ce Panthéon extraordinaire de la littérature mondiale qu'est devenue la bibliothèque de la Pléiade, a réduit les femmes, c'est-à-dire, plus qu'à la portion congrue, à l'inexistence totale. Ça veut dire que, fondamentalement, pour tous ceux qui ont dirigé cette collection, les femmes n'existent pas en littérature." Il y a donc une réelle invisibilisation des femmes dans la Pléiade.
Ce spécialiste s'interroge également sur les orientation de la collection qui choisit des lettres ou des mémoires. Ce n'est par exemple pas Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir qui sera publié mais ses mémoires, Mémoire d'une jeune fille rangée (1958), La Force de l'âge (1960), La Force des choses (1963), Tout compte fait (1972), La cérémonie des adieux (1981) et Une mort très douce (1964). Ces textes seront découpés en deux ouvrages de 1584 et 1696 pages chacun. Il en avait été de même pour George Sand dont les romans étaient passés à la trappe. Étonnant pour la seule femme du XIXe à avoir vécu de sa plume.
Les autrices et les écrivaines, les peintresses et les conquérantes doivent être montrées pour qu'on les connaisse. Alors on le rappelle encore une fois à la Pléiade et aux autres, pour être connue, il faut être vue !