Le 25 juin dernier, Valérie Bacot écopait de 4 ans de prison dont 3 avec sursis pour avoir tué d'une balle dans la nuque son époux, le 13 mars 2016. Le jour du verdict, après un procès éprouvant durant lequel elle a dû raconter le calvaire que lui imposait l'homme violent, violeur et proxénète, elle ressortait libre, ayant déjà effectué une détention provisoire d'un an entre octobre 2017 et octobre 2018.
Ce 4 novembre, l'autrice de l'autobiographie Tout le monde savait a été accueillie par la délégation aux Droits des femmes du Sénat, en compagnie de son avocate, Me Nathalie Tomasini. Elle y a raconté l'emprise qui perdure, aujourd'hui encore, et la façon dont elle a plusieurs fois tenté d'appeler à l'aide en alertant les autorités.
"Je vis dans le présent, je pense au futur mais intérieurement, je vis dans le passé. C'est très compliqué pour moi", décrit Valérie Bacot calmement. "Quand j'étais petite, je ne comprenais pas. J'étais dans une ignorance totale parce que personne ne m'a dit que ces choses-là ne devaient pas se faire", se souvient-elle à propos des violences sexuelles subies par son bourreau (qui était son beau-père à l'époque) condamné, incarcéré, puis réintégré au foyer familial à sa sortie de prison.
"J'ai essayé de le dire plusieurs fois", continue-t-elle, témoignant, au-delà des actes dont elle a été victime, de lourds dysfonctionnements de la part de la police, de la municipalité, d'abandon de sa famille. Le maire, à qui elle aborde ce qu'elle vit, lui réplique que "ces histoires de famille ne le regardaient pas". Le juge pour enfant devant lequel elle est convoquée alors qu'elle est mineure et enceinte de son beau-père, ne la croit pas.
Lorsque ses enfants se rendent à la gendarmerie pour alerter, ils sont "jeté comme des malpropres". Un gendarme aurait dit à son fils, au moment de la reconstitution : "C'est bien chez vous parce qu'on a le restaurant à côté, le dessert et la pipe après". "C'est une honte, c'est ignoble", poursuit la jeune femme.
"Du moment où on ne se sent pas aidée ou en sécurité, ça ne vous donne pas envie [de parler]. Vous vous dites 'si je n'ai personne pour m'aider, comment je fais pour vivre, pour m'en sortir ?' Et quand vous avez peur de mourir tout le temps, vous ne faites rien. Vous savez ce qui peut vous arriver".
C'est "l'abandon de tous les systèmes", lâche celle qui précise par ailleurs que, même si elle avait eu connaissance du numéro d'urgence 3919, ou de l'existence d'associations dédiées, elle n'aurait pas pu les contacter. Et d'insister sur le silence et le tabou qui pèsent dans les campagnes. "Il y a des choses qui peuvent marcher pour certaines, mais pour d'autres. Et c'est quelque chose qui est dans mes objectifs : il faut qu'on arrive à comprendre comment rentrer dans les noyaux des familles tout en étant discret".
Aujourd'hui, Valérie Bacot l'affirme : "Je ferai tout pour aider une personne à ne pas vivre ce que j'ai vécu. J'en ai besoin pour me réparer en quelque sorte, pour me dire que je peux être quelqu'un de bien".