Quatre ans de prison, dont trois avec sursis, après une année de détention provisoire déjà écoulée. C'est ce verdict qui a été prononcé à l'adresse de Valérie Bacot, victime de violences conjugales, mais aussi de viol, qui a tué son mari après plus de vingt ans de violences inouïes - ce dernier l'aurait notamment battue, violée et prostituée de force. Tenu du 21 au 25 juin dernier, ce procès fut historique. Car il marque une étape dans la prise en compte par la justice française du phénomène de l'emprise, et par-là même d'un syndrome : le SFB.
"C'est la première fois qu'en plusieurs années de lutte contre les violences conjugales et de défense des femmes victimes de ces violences, je vois écrits noir sur blanc les mots 'syndrome de la femme battue'. Vous êtes très en avance par rapport à certains de vos confrères", a ainsi souligné Me Nathalie Tomasini, avocate de Valérie Bacot.
Ainsi, l'expert psychiatre qui a examiné Valérie Bacot a expliqué avoir détecté chez elle le "syndrome de la femme battue". Derrière cet intitulé, la prise en compte d'une réalité : le phénomène d'emprise vécu par les victimes de violences conjugales, comme la peur et la dépendance (financière entre autres) qui lui sont associées. Parler de "syndrome de la femme battue", c'est prendre le contrepied du "victim blaming", cette culpabilisation des victimes qui s'exprime par un jugement de leurs actes et de leurs attitudes.
Et parmi ces jugements, l'un des plus accablants, volontiers énoncée aux victimes : "Pourquoi n'êtes-vous pas partie ?". Une question que tend à éclairer un cas aussi tragique que celui de Valérie Barcot. Celle-ci se serait sentie des années durant "comme une marionnette dans les mains de son mari, soumise à l'emprise totalitaire de ce tyran domestique", a décrit un expert psychiatre lors du procès, comme le rapporte BFM TV.
Sa libération pourrait éveiller bien des consciences dans le pays.
"Certains couples sont construits sur un mode pathologique: il y a un sujet aliéné et un sujet aliénant, avec une emprise totalitaire qui devient destructrice. L'aliéné a le sentiment de ne jamais être à la hauteur, il est humilié. Peu importe ce que Valérie Bacot faisait, elle savait que ce n'était jamais assez bien aux yeux de son mari, qui finissait toujours par la frapper. Mais c'était encore pire si elle ne faisait rien. Elle n'avait aucune échappatoire. Elle n'avait plus la possibilité de recourir à la loi, car il la coupait de tout", décrypte le docteur Denis Prieur à BFM TV.
Une synthèse du phénomène de la femme battue, dont la mention au sein de la justice française témoigne d'une certaine prise de conscience globale - celle du vécu des victimes par les autorités judiciaires. Un éveil qui n'a rien d'anodin. Comme l'explique l'avocate Céline Marcovici dans son enquête Madame, il fallait partir : "Dans le cadre des procédures judiciaires pour violences conjugales, il faut rappeler ces trois étapes majeures : le dépôt de plainte, l'audition du conjoint violent, puis la confrontation pour comparer les versions des deux camps. Or je suis parfois choquée d'assister à cette étape-là lorsque je constate l'attitude de certains officiers, qui semblent privilégier une approche inversée des rôles en faisant culpabiliser la victime".
L'avocate poursuit : "Le titre de mon livre résume le type de raisonnements que l'on peut entendre de la part des professionnels : "Mais madame, il fallait partir". De même lors des audiences, il arrive que des juges aux affaires familiales demandent aux victimes 'pourquoi elles n'ont pas déposé plainte plus tôt'. Et ce un an après le lancement du Grenelle des violences conjugales. Idem lorsque les violences sont simplement perçues comme 'des disputes de couples'. Ce n'est plus possible d'en parler comme ça et d'employer ce genre de raccourcis insupportables". On le comprend, il y a donc beaucoup à faire au niveau de la loi.
L'affaire Valérie Bacot suffira-t-elle à provoquer ce changement ? En l'état, ce verdict l'incarne déjà. "C'est la première fois qu'en plusieurs années de lutte contre les violences conjugales et de défense des femmes victimes de ces violences, je vois écrits noir sur blanc les mots 'syndrome de la femme battue'", affirme en ce sens Nathalie Tomasini, avocate de Valérie Bacot. Une première qui ne fera peut être pas office d'exception.