En décembre dernier, la chanteuse FKA Twigs sortait du silence en accusant son ex-compagnon, l'acteur Shia Labeouf, de violences conjugales. Violences physiques, agression sexuelle, manipulations psychologiques... Ce qu'énonçait alors la chanteuse britannique était des plus édifiants, et rappelait du même coup le témoignage d'anciennes compagnes de l'acteur.
"Je veux sensibiliser les femmes aux tactiques employées par des personnes abusives pour prendre le contrôle sur vous, car ça peut arriver à n'importe qui", expliquait alors la trentenaire. Et aujourd'hui, comme pour réagir aux nombreuses réactions suscitées par son témoignage (jugements, doutes, culpabilisation), FKA Twigs délivre un salutaire discours sur un phénomène malheureusement bien trop connu : le victim blaming.
Le victim blaming, c'est le fait de pointer du doigt les attitudes ou paroles des victimes de violences, ou de viol, pour contester la véracité de leur témoignage. Parmi ces remarques bien trop banalisées, la fameuse "Pourquoi n'est-elle pas partie plus tôt ?", réflexion que subissent généralement les victimes de violences conjugales.
Lors de sa première interview depuis sa plainte contre Labeouf, FKA Twigs a voulu répondre à ces réflexes malsains. Ainsi, sur le plateau de l'émission télévisée CBS This Morning ce 17 février, à la journaliste Gayle King qui la questionnait sur ces "pourquoi ?", la chanteuse a réplique par un cinglant : "Nous devons cesser de poser cette question".
"Nous devons arrêter de poser cette question... Je ne vais plus y répondre. Parce que la seule question devrait vraiment être adressée à l'agresseur : 'pourquoi gardez-vous quelqu'un en otage avec votre violence ?' Les gens disent que tout ce que vous avez vécu n'a pas pu être 'si grave', 'sinon vous seriez partie'. Mais en vérité, non, c'est justement parce que c'était 'si grave' que je ne pouvais pas partir !", a développé avec éloquence la musicienne face à Gayle King.
Une prise de parole puissante et nécessaire pour le Guardian, qui cite le journaliste et auteur Jess Hill (See What You Made Me Do), spécialiste des violences conjugales : "Les auteurs de violences conjugales expliquent clairement à leurs victimes que partir entraînera des conséquences si graves qu'il est en fait plus sûr de se conformer et de rester". Supposer le contraire démontre ainsi une grande méconnaissance du sujet, en plus d'un mépris des abus subis par les victimes. Ce sont ces victimes, insiste FKA Twigs, qu'il faut écouter.
"La plupart des gens considèrent encore les violences conjugales comme un ensemble d'incidents distincts (agressions, réprimandes, menaces) mais il s'agit en vérité d'un 'contrôle coercitif'", d'un système d'abus qui fonctionne comme une toile d'araignée : chaque brin se resserre de plus en plus jusqu'à ce qu'il semble qu'il n'y ait plus aucune issue", développe encore Jess Hill dans son enquête des violences.
Le témoignage de FKA Twigs illustre très bien cette "toile d'araignée" faite de mille et une nuances de violences. Ces dernières années, de plus en plus de voix s'expriment pour éveiller les consciences à ce sujet, et ainsi dénoncer le "victim blaming".
"Au lieu de vous demander 'pourquoi vous êtes restée', nous devons vous demander pourquoi la violence était si grave que vous ne pouviez pas partir", assure ainsi à ses lectrices la journaliste et militante féministe Liz Plank. A l'unisson, l'avocate Céline Marcovici, autrice de l'enquête Madame, il fallait partir, nous expliquait que les remarques type "Il fallait partir" sont toujours aussi "populaires" dans la bouche des professionnels de la loi, voire des gendarmes.
"De même, lors des audiences des victimes de violences, il arrive également que des juges aux affaires familiales demandent à ces dernières 'pourquoi elles n'ont pas déposé plainte plus tôt', déplorait-elle encore. Derrière la voix de FKA Twigs, c'est donc un changement des mentalités plus global qui est attendu.