Le récit d'Isabelle est terrifiant. Auprès du média Loopsider, samedi 1er mai, cette mère de trois enfants a raconté comment son ex-conjoint a tenté de la tuer le 22 février dernier, alors qu'une ordonnance de protection avait été accordée par la justice. Elle avait porté plainte 3 fois en 6 jours après de nombreuses menaces et actes de violence qui faisaient suite à leur rupture.
La veille du drame, elle avait appelé les forces de l'ordre pour signaler la présence de l'homme près de son domicile. Personne ne s'est déplacé pour la protéger. Le lendemain, l'ancien partenaire lui a tiré dessus avec un fusil, à plusieurs reprises.
Face caméra, Isabelle détaille des faits glaçants. Elle se souvient sortir de chez elle et se retrouver nez à nez avec son ex. Il tient son arme à la main. La même qui lui avait été confisquée par la police lors de sa mise en garde à vue, le 28 janvier dernier, juste après la première plainte d'Isabelle, et qui lui a été remise à sa sortie. De son côté, elle a un réflexe : laisser les clés sur la porte pour que sa fille soit coincée à l'intérieur, et ne puisse pas se retrouver face à l'assaillant.
L'homme lui tire une balle au niveau des fesses. Isabelle se retrouve au sol, à quatre pattes, se souvient-elle, et sent dans sa poche le spray au poivre qu'elle garde en cas de danger. Elle réussit à se relever et fonce sur son ex, la bombe anti-agression à 2 centimètres de son visage à lui. Mais celle-ci ne fonctionne pas. L'attaquant tire une deuxième balle, dans ses parties intimes. Cette fois, la victime s'effondre et l'homme quitte les lieux. Derrière la porte, sa fille qui a tout entendu, hurle.
Quelques jours plus tard, sur son lit d'hôpital, Isabelle apprend qu'il s'est suicidé après les faits. Elle est soulagée. Même si elle insiste n'avoir jamais souhaité sa mort, "la traque est finie", lâche-t-elle.
Les mots, l'émotion et la douleur d'Isabelle sont bouleversants. Aujourd'hui, elle a subi 9 opérations, il en reste une dixième pour espérer reconstruire son système intestinal. "Mes parties intimes ont été reconstruites. Il en manque. J'ai une stomie, (...) des cicatrices, (...) du plomb dans le corps", énumère-t-elle. La survivante le précise : cette prise de parole n'est pas tant pour elle que pour celles qui n'osent pas partir, pas parler. Ou au contraire, qui passent ce pas mais se retrouvent face à un mur.
"Ce n'est pas normal qu'on soit laissées, livrées à nous-mêmes", poursuit Isabelle. "Il y a une injustice et c'est pour ça que j'ouvre ma bouche aujourd'hui. Ce n'est pas pour moi, pour moi c'est réglé, je vais vivre en paix. C'est pour toutes celles qui n'ont pas cette chance". Elle demande à ce que davantage de moyens humains soient mis en place, afin d'aider concrètement les victimes.
Son avocate, Me Maud Vian, dénonce de son côté une erreur administrative : si personne n'est intervenu la veille du drame, c'est parce que l'ordonnance de protection était introuvable au commissariat lorsqu'Isabelle l'a contacté. "Qu'il y ait une décision qui soit prise et qu'elle ne serve à rien, c'est encore d'une violence rare", déplore-t-elle.
La magistrate demande une entité dédiée à ce genre de dossier, et une réelle prise en charge de ce fléau par le gouvernement, au-delà de la "com'" qu'incarnerait le "numéro vert pour les femmes battues". "Grande cause [nationale] d'accord, mais moi je ne vois pas du tout de changement. Au contraire, c'est encore pire." Et de marteler : le féminicide "n'est pas un fait divers, c'est un fait de société très profond."
En France, depuis le début de l'année, 37 femmes ont été assassinées par leur (ex-)compagnon. Un chiffre intolérable qui, à en écouter les concernées et les associations, pourrait être réduit par bien des moyens.