Plus de 98 féminicides. C'est le chiffre-phare que met en évidence le collectif Collages Féminicides Paris, lequel a pour objectif de désinvisibiliser les femmes victimes de féminicides. Et c'est pour rappeler cette réalité, auprès de l'opinion publique mais surtout de l'Etat, que ledit mouvement a érigé un mémorial afin d'honorer la mémoire des "victimes du patriarcat", comme l'énonce leur communiqué officiel.
Mis en place le dimanche 10 janvier, ce mémorial de début d'année a pris place au 44 rue Bouvier, dans le 11ème arrondissement de Paris. Il est le fruit du travail militant de plus de 60 colleur·euses. Au gré de ces collages, on peut y lire pas moins de 111 prénoms. Geneviève, Sylvie, Jennifer, Simone... 111 noms de victimes, pour démontrer que "le sexisme, la putophobie et la transphobie détruisent et tuent, que l'on meurt parce qu'on est une femme, un·e travailleur·euse du sexe et/ou une personne transgenre et/ou non-binaire".
Entre les lignes, Collages Féminicides Paris dénonce l'inaction du gouvernement et en appelle à une meilleure protection des victimes de violences. Ce mémorial leur rend hommage. Et nous incite à faire de même. A ses pieds, on peut y déposer bougies et fleurs, mais également "mots ou pensées", comme l'énonce le mouvement féministe sur Twitter.
Le geste est limpide : coller pour ne pas oublier. Ne pas oublier quoi ? Le manque d'aides apportées aux travailleurs et travailleuses du sexe (dont la situation, mise en lumière par de nombreux collectifs féministes, n'a jamais été aussi précaire), les violences dont font l'objet les personnes transgenres du fait de leur identité de genre, les initiatives de l'Etat jugées insuffisantes (comme la distribution depuis cinq mois des bracelets anti-rapprochement), mais aussi la situation critique des victimes de violences conjugales en plein confinement.
Confinement et reconfinement, ces périodes durant lesquelles "les femmes et minorités de genre ont supporté les violences dans le huis-clos du domicile, sans pouvoir quitter leur partenaire", rappelle le collectif. Mais comment changer les choses ? Dédier un budget gouvernemental plus conséquent à l'enjeu majeur des violences conjugales et des féminicides serait un bon début. Cela fait plus d'un an que de nombreuses activistes, comme la militante féministe Karine Plassard, en appellent à la mise en oeuvre d'un milliard d'euros pour lutter efficacement.
Un souhait encore loin d'être réalité, comme le déplorait déjà, à la fin de l'année 2019, la militante Caroline De Haas, instigatrice du collectif féministe #NousToutes. Mais aujourd'hui, l'heure n'est plus à la patience. "Nous ne voulons plus compter nos mort·e·s. En 2021 nous continuerons de coller. Ni oubli, ni pardon", achève avec éloquence le collectif. En cette nouvelle année pleine d'incertitudes, la lutte continue au gré des murs.