Un milliard d'euros. C'est le chiffre que répète à qui veut l'entendre Marlène Schiappa lorsqu'il est question du budget alloué à l'égalité femmes-hommes. Le Premier ministre l'a même rappelé au moment de l'annonce des mesures du Grenelle des violences conjugales, ce 25 novembre à Matignon. Or, c'est un chiffre volontiers démenti depuis le lancement du Grenelle en septembre dernier.
Par Caroline de Haas, par exemple. L'instigatrice du collectif féministe #NousToutes n'hésite pas à nous rappeler que ce budget est en vérité "composé à 75% de dépenses à l'international" et que par extension "seul 25% du budget présenté par Marlène Schiappa servira à faire progresser l'égalité et à lutter contre les violences sexuelles en France".
En vérité, ce milliard cache bien des choses. Et les militantes féministes ne sont pas seules à l'affirmer. Le Sénat, lui aussi, tient à la précision et à la clarté. Selon un rapport de commission des finances consacré au budget gouvernemental de 2020, constitué par les sénateurs et relayé ce 27 novembre, on est loin, très loin, de "la réalité des chiffres". En vérité, le montant des crédits de paiement relatifs au budget pour l'égalité femmes/hommes serait plus proche... de 557,8 millions d'euros. Ouille.
Bref, comme l'indique plutôt frontalement l'un des intertitres dudit rapport, on est "loin du milliard d'euros annoncé par le gouvernement". Car ce qu'Edouard Philippe et Marlène Schiappa n'ont pas forcément pris le temps de préciser, c'est que le milliard d'euros qu'ils brandissent avec ferveur correspond seulement à des "autorisations d'engagement", lesquelles sont associées à des dépenses qui peuvent être "échelonnées sur plusieurs exercices budgétaires", explique le rapport du Sénat.
C'est d'ailleurs ce que détaillait déjà Caroline De Haas sur Twitter : ces dépenses attendent encore, pour être effectives, une double validation. Les seuls crédits validés de ce budget pour l'égalité femmes/hommes, ce sont les "crédits de paiement". Et ils ne correspondent qu'à 577 millions d'euros.
Un chiffre insuffisant à l'heure où les militantes féministes répètent - depuis des mois déjà - qu'il faudrait non pas 500 millions, mais un milliard, pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes. Ce 23 novembre dernier, lors de la marche historique organisée par Nous Toutes afin de dénoncer les violences sexistes et sexuelles, les militantes haussaient d'ailleurs encore la voix en ce sens. Avec à l'appui, des écriteaux qui interpellent : "Monsieur le président, nous exigeons un milliard d'euros".
De son côté, Marlène Schiappa n'altère pas son discours. Le 26 novembre, elle l'affirmait encore au micro de France Inter : "Le budget est de 1,116 milliard d'euros pour 2020, ça n'est pas moi qui le dit mais la direction du budget de l'État". Ce chiffre, que chacun semble se refiler comme une patate chaude, la sénatrice du Val de Marne Laurence Cohen l'a encore nié le 25 novembre dernier. "Il faut 1 milliard d'euros, or ce n'est pas ce qui est annoncé aujourd'hui", a-t-elle déploré du côté de Public Sénat.
La ministre de la Justice, quant à elle, peine à sauver les meubles. Sur Public Sénat toujours, elle déclare : "Je ne crois pas qu'on soit loin du compte. Il y a bien un milliard d'euros sur la question de l'égalité hommes-femmes sur plusieurs années". Affirmation plutôt vague et triste opération de communication pour le sénateur Éric Bocquet, qui, interrogé par le Huffington Post, n'hésite pas à tacler là où il faut :"On nous annonce 1 milliard, mais ils agrègent des dépenses déjà existantes qui ont un rapport avec le sujet. Ce n'est pas très honnête", raconte-t-il.
Pire encore, à en lire le rapport de commission, loin de l'éclat du milliard revendiqué, les crédits attribués à la prévention des violences faites aux femmes seront en baisse pour l'an prochain, passant de 13,8 millions d'euros en 2019 à 13,3 millions. Autrement dit, malgré l'explosion du nombre de féminicides en 2019, nulle investissement supplémentaire n'est réellement prévu - c'est même plutôt l'inverse. Pour Caroline de Haas en tout cas, cela ne fait aucun doute : ce milliard "est un mensonge". Et c'est aussi la preuve, comme le déclare Laura Jovignot du collectif #NousToutes, que le gouvernement recule encore face à l'urgence "d'engager des moyens financiers adéquats afin de lutter contre les violences faites aux femmes".