"Le gouvernement a consacré 544 millions à l'égalité femme-homme en 2019. En 2020, 1,116 milliard sera investi dans cette politique transversale", a déclaré Marlène Schiappa à La Voix du Nord. Voilà qui est dit : la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes promet un doublement du budget pour l'an prochain. Ces prévisions laissent entendre une meilleure considération par l'Etat des violences conjugales, de leur prévention et de leur traitement, à l'heure où, selon le Haut Conseil à l'égalité, la France ne consacrerait que 79 millions à la lutte contre les violences faites aux femmes. Une heureuse nouvelle, donc ? Pas si sûr, selon certaines militantes.
Car les informations officielles annoncées par Marlène Schiappa laissent plus d'une voix circonspecte. D'aucunes trouvent cette déclaration un peu trop évasive. Dans cet entretien, la secrétaire d'Etat explique : "Nous ne faisons pas de distinction entre ce combat pour l'égalité et celui contre les violences faites aux femmes. Tout est lié". De plus, elle intègre la notion de "politique transversale" au débat. Et ce sont ces précisions qui suscitent la perplexité.
Sur Twitter, la militante féministe Caroline de Haas nous explique pourquoi. L'instigatrice du collectif Nous Toutes insiste sur la composition du document de "politique transversale" évoqué par Marlène Schiappa. Ce document énumère les dépenses de l'Etat, par thématiques. Or, selon elle, le budget "égalité" est complexe. Par exemple, il comprend une portion du salaire des professeurs de l'Education Nationale, dans la mesure où, selon le gouvernement, "les professeurs parlent d'égalité aux élèves".
Ce serait donc 133 millions d'euros émanant du ministère de l'Education Nationale qui seraient intégrés à ce budget, c'est-à-dire pas moins de "25 % du document de la politique transversale", explique Caroline de Haas. Des précisions factuelles qui, aujourd'hui, laissent planer un doute quant à la teneur réelle du budget consacré aux violences conjugales. Cet impressionnant chiffre "d'un milliard" serait-il l'arbre qui cache la forêt ?
Un doute qui n'a rien d'anecdotique pour toutes les femmes engagées qui, depuis des mois, en appellent à un budget national et exclusif d'un milliard d'euros afin de lutter contre les féminicides (c'est par exemple le cas de la comédienne Muriel Robin). "Nous voulons un milliard dédié contre les violences. Et nous voulons un fléchage clair des crédits et des augmentations importantes de subventions pour toutes les associations", appuie à ce titre la militante féministe Karine Plassard. A l'unisson, certaines voient en cette notion "d'égalité" une manière de noyer le poisson. "Est-ce qu'il s'agit vraiment de 500 millions d'euros d'investissements en plus ? Ou est-ce que ce sont des dépenses déjà existantes qui seront identifiées comme moyens pour l'égalité femmes-hommes? La probabilité que ce soit la deuxième solution est très forte", déplore à ce titre Caroline de Haas à l'AFP.
La présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert, attend quant à elle de voir où sera précisément appliqué cet "appui financier supplémentaire" avant de se réjouir trop vite. Ce qui ne l'empêche cependant pas de conserver son optimisme. Pour elle, ce projet de "budget double" est une avancée sociale notable.
"Le gouvernement semble prendre conscience que la lutte contre les violences faites aux femmes est une question de moyens", observe-t-elle non sans espoir. A cet effet, Marlène Schiappa insiste sur l'importance de l'autonomie financière des femmes afin de lutter contre un système global "où les hommes agresseurs ou violents tiennent les femmes victimes par des liens d'interdépendance économique ou de pouvoir". Et ne manque pas de rappeler les ambitions du gouvernement prévues pour 2020, comme le recrutement de 73 psychologues, destinés à oeuvrer au sein des commissariats et gendarmeries, ou encore l'ouverture de 1000 nouvelles places d'hébergements pour les femmes victimes de violences conjugales. Autant de démarches qui, aujourd'hui, laissent place à l'attente. Et, surtout, au désir de plus de clarté.