"Selon son idéologie, Poutine serait l'homme viril, puissant, autoritaire, héroïque, dont le pouvoir omnipotent et vertical est seul à même de diriger le peuple russe". L'espace d'une puissante tribune publiée dans les pages du Monde, Céline Piques, membre du Haut Conseil à l'égalité et militante au sein du collectif Osez le féminisme !, a décrypté l'idéologie de Vladimir Poutine. Un imaginaire plus que jamais évident en ce contexte dramatique de guerre en Ukraine.
Et l'autrice de l'essai Déviriliser le monde : demain sera féministe ou ne sera pas (aux éditions Rue de l'échiquier) dénonce notamment une mentalité "guerrière et viriliste". Les actes, paroles et attitudes de Poutine témoigneraient effectivement d'une "propagande calculée de l'homme fort de Russie", dépassant le stade du rationnel au profit d'une idéologie nationaliste et viriliste décomplexée.
"Cette guerre est aussi une guerre des valeurs", avance ainsi la militante féministe.
En rappelant les mots prononcés le 7 février dernier (lors d'une conférence de presse) par Vladimir Poutine à destination du président ukrainien Volodymyr Zelensky, à savoir "Que ça te plaise ou non, ma belle, il va falloir t'y résoudre", Céline Piques met notamment l'accent sur une certaine culture du viol. "Le viol dans le discours de Poutine est l'allégorie de l'invasion militaire d'un territoire à conquérir par la force", affirme l'autrice.
Un discours de pouvoir où se côtoient banalisation des agressions sexuelles et éloge de la domination masculine. Et qui s'avère d'autant plus violent dans ce contexte où les récits de viols abondent déjà. Début mars, quatre députées ukrainiennes accusaient ainsi les forces russes d'avoir violé des femmes avant de les pendre, dans les environs de Kyiv. Lesia Vasylenko, Maria Mezentseva, Alona Shkrum et Olena Khomenk, s'adressant aux journalistes de la Chambre des communes britannique, évoquaient plus encore le cas de victimes sexagénaires. Certaines auraient été exécutées, d'autres se seraient suicidées, après avoir été violées.
"Poutine cible les groupes de femmes et d'enfants vulnérables. Les familles n'ont pas la force ou la capacité de se manifester", affirmait ainsi Lesia Vasylenko. Une gravité qui n'a pas échappé à Céline Piques : "Le viol de guerre est pour les combattants une arme d'assujettissement du peuple ennemi par appropriation de 'leurs femmes', une façon de rappeler qui a le pouvoir et la force. Le viol et la guerre ne sont pas si différents".
Dans sa tribune, l'autrice rappelle également l'homophobie décomplexée de Poutine, vantant depuis des années les valeurs de "l'institution du mariage et de la famille nécessairement hétérosexuelle", présentées comme "l'antidote à la perméabilité des valeurs démocratiques occidentales". Et à ce qu'il nomme "la propagande homosexuelle".
Face à ces constats, Céline Piques célèbre le courage des militantes féministes, comme les Pussy Riot en Russie, et en tire une salutaire conclusion : "Parce que la violence est masculine, parce qu'elle est une réaffirmation des valeurs virilistes où violence et domination masculine sont exaltées, c'est d'une politique et d'une diplomatie féministes dont nous avons besoin, pour contrer les velléités militaristes et défendre la paix".