"Pourquoi le monde nous regarde mourir en silence ?". Ainsi s'interrogeaient les manifestantes afghanes qui défilaient dans les rues de Kaboul le 26 octobre dernier afin de dénoncer l'emprise des talibans. Depuis le mois d'août 2020, le régime taliban a repris le pouvoir en Afghanistan et les tragiques incidences de cette situation se font notamment sentir du côté des droits des femmes afghanes, largement bafoués.
Dernière mesure en date ? L'annonce le 26 décembre dernier de nouvelles restrictions : afin de voyager sur plus de 72 kilomètres, les femmes devront être accompagnées. Impossible de voyager seules. "Accompagnées", c'est à dire surveillées par un homme (leur père, leur frère), comme l'énonce la règle répressive du tutorat masculin.
Une "recommandation", énonce Franceinfo, affirmée par le ministère de la Promotion de la vertu et de la prévention du vice. Et qui malheureusement, n'étonne pas tant venant du régime taliban.
De plus, les femmes auront l'obligation de porter le "voile islamique". Une autre "recommandation" (les guillemets importent) également dictée aux femmes journalistes. Et qui rejoint bien des discours. En septembre dernier, le chef adjoint de la commission culturelle des talibans Ahmadullah Wasiq exprimait déjà sa réticence à l'idée d'autoriser les femmes à faire du sport, les pratiques sportives étant jugées contraires à la loi islamique.
Cette nouvelle mesure rappelle également l'emprise dramatique du tutorat. Dans son enquête Les Fugitives : partir ou mourir en Arabie Saoudite, la journaliste Hélène Coutard narre les trajectoires des Saoudiennes qui ont tenté (ou sont parvenues) à fuir un régime ultra patriarcal notamment défini par la sacralisation du tutorat masculin - à la fois marital et familial. On imagine aisément le même schéma en Afghanistan, sous le régime taliban, et les risques qu'encourent les citoyennes afghanes.
Pour toutes ces femmes, le droit à voyager, comme le droit à conduire seules, est une lutte capitale, notamment soutenue depuis des années par les militantes féministes saoudiennes, emprisonnées pour leurs combats. En Afghanistan, ce sont à l'unisson les citoyennes qui sont directement menacées. "Elles sont directement touchées par ces décisions qui restreignent leur liberté, voire leur ôtent toute dignité", déplore du côté de Franceinfo Myriam Benraad, politologue et spécialiste du monde arabe.