Droit à l'avortement, égalité salariale, protection de l'environnement... On ne compte plus le nombre de combats pour les droits des femmes qu'a porté sur elle Ruth Bader Ginsburg. La disparition de l'ancienne juge de la Cour Suprême des Etats-Unis le 18 septembre dernier a plongé la politique américaine dans l'incertitude. Mais alors que vient d'être officialisée la nomination d'Amy Coney Barrett ce lundi 26 octobre, on parlerait plus volontiers d'angoisse.
Amy Coney Barrett, 48 ans, catholique fervente, conservatrice décomplexée et "chouchoute réac" de Donald Trump, vient donc d'investir la Cour Suprême. En septembre, la nouvelle juge avait déjà été présentée par le président lui-même comme la grande favorite à cette prestigieuse nomination, au grand désarroi des opposant·e·s démocrates et des militant·e·s féministes. La voir occuper ce siège aujourd'hui ne laisse rien présager de bon.
Et ce pour plusieurs raisons. Droits des femmes, droits des personnes LGBTQ, progrès social... Les convictions que revendique "ACB" annoncent une politique plus régressive qu'autre chose. Son opposition au droit à l'avortement, et par-là même à l'arrêt Roe contre Wade de 1973 (qui le garantit), en tant qu'adhérente au mouvement pro-vie, n'est plus un secret. Idem pour sa véhémence à l'égard de l'Obamacare. Et il y a peu à parier, au vu de son engagement très "Manif pour tous", qu'elle accorde un regard bienveillant au mariage gay.
On s'en doute, ce n'est certainement pas cette femme-là qui fera tomber Trump.
"Je ne vois aucun conflit entre une foi sincère et les devoirs d'un juge", affirme cependant la principale concernée. A l'écouter, ses convictions personnelles n'iront jamais à l'encontre de la loi. Le Guardian est moins optimiste cependant. Le journal britannique rappelle notamment la proximité troublante de la fervente Amy Coney Barrett avec la très polémique organisation People of Praise, créé à la fin des années soixante. Un groupe religieux conservateur au sein duquel a grandit cette native de Louisiane et qui prendrait beaucoup de place dans la vie de ses partisans. D'ailleurs, c'est dans ce cadre qu'a été élevé Jesse Barrett, l'actuel mari de la juge.
Autorité masculine hégémonique, répression des voix féminines, menaces diverses de la part de leaders autoritaires dirigeant chacune des branches implantées dans le pays, réunions de culte, exigences d'engagement absolu, contrôle insidieux de la vie sentimentale, familiale, professionnelle de ses membres, emprise psychologique... Le portrait qu'en tire le New York Times a comme un doux parfum de secte. Aujourd'hui, certains de ses leaders sont même accusés d'abus sexuels. Et si Amy Coney Barrett passe volontiers sous silence ce passif, son père, quant à lui occuperait encore une place non-négligeable au sein de la communauté.
On s'en doute, cela n'arrange en rien l'image que se fait l'opinion publique et médiatique de cette "chouchou réac". A l'heure de sa nomination, des manifestantes ont même revêtu les capes rouges et les coiffes blanches des personnages de la série The Handmaid's Tale afin de protester contre cette nomination inquiétante. Des protestations se sont propagées de Boston à Washington, comme nous l'apprend le journal Newsweek. Car bien des voix perçoivent la communauté religieuse People of Praise comme l'une des principales influences du show et du roman dystopique de Margaret Atwood.
Si l'adhésion d'Amy Coney Barrett à cette quasi-secte - qui comprendrait plus de 1 500 membres aux Etats-Unis - se fait discrète dans ses discours, ses croyances, elles, ne trompent pas. Exemple ? Quand People of Praise défend une vision totalement hétéronormée de la famille, elle n'hésite pas à qualifier le droit à l'avortement de "barbarie". Il y a comme un écho.
Cette nomination angoisse donc le pays. Tant et si bien que la députée démocrate Alexandria Ocasio-Cortez en appelle désormais à "réformer la Cour Suprême". L'une des promesses de Joe Biden s'il est élu président des Etats-Unis le 3 novembre prochain. Une lueur d'espoir ?