"Parfois, je choisis d'apparaître sans maquillage, et parfois je veux me sentir glamour, alors je fais du glamour". C'est une certaine leçon d'indépendance d'esprit que déploie Alexandria Ocasio-Cortez du côté de Vogue. Interviewée par l'emblématique magazine de mode, la jeune députée démocrate - celle qui donne autant de fil à retordre à Donald Trump qu'à Mark Zuckerberg - est revenue sur l'importance du maquillage dans sa vie. Un sujet qui fait sens : le rouge à lèvres chic qu'elle arbore régulièrement fait partie de son image médiatique.
Soins de la peau, lipstick "signature", crèmes hydratantes, mascara, crayons divers... Celle que l'on surnomme "AOC" met à l'honneur ces coquetteries esthétiques qui, à l'écouter, sont de véritables outils d'empowerment. Elle raconte : "Il est si important de partager ces détails pour rappeler que la féminité a du pouvoir. En politique, il y a tellement de critiques et de pinaillages sur la façon dont les femmes s'affichent...". Mettre en avant son style, c'est aussi s'affirmer face aux voix sexistes. Qu'on se le dise : la cosmétique est (aussi) politique. Ne serait-ce que le choix personnel (et militant) d'en porter sur soi, ou non. Une liberté d'agir forcément féministe.
"Le simple fait d'être une femme est politisé à Washington.... Il y a cette idée vraiment fausse selon laquelle si vous vous souciez du maquillage, de la beauté et de la mode, vous seriez frivole. Or je pense que [tout cela constitue] quelques-unes des décisions les plus importantes que nous prenons - et nous les prenons tous les matins", poursuit la membre du Congrès sur le même ton. Dis-moi ton makeup, je te dirais qui tu es.
Injonction ou émancipation ? Cette grande question perdure dès que l'on évoque la place du maquillage dans la vie des femmes. Tout dépend dès lors des subjectivités, des sensibilités, des parcours personnels. Alexandria Ocasio-Cortez, elle, voit là une façon de s'affirmer au sein d'une scène politicienne largement testostéronée.
"Notre culture est tellement fondée sur la diminution des femmes et la mise à mal de notre estime de soi que c'est un acte assez radical - presque comme une mini-manifestation - de s'aimer dans une société qui vous dit toujours que vous n'avez pas le bon poids, la bonne couleur, la bonne quoi que ce soit", raconte-t-elle.
Non content d'être stylé, son rouge à lèvres est donc un véritable apport psychologique, un objet feelgood qui profite autant à l'éloquence qu'à la santé mentale. D'ailleurs, elle l'avoue tout sourire : "En tant que plus jeune femme du Congrès et femme de couleur, il est si difficile d'être prise au sérieux [...] Du rouge à lèvres, j'en porte quand j'ai besoin d'un regain de confiance". Son maquillage, elle ne l'arbore pas par obligation, mais parce qu'elle en a envie. Elle nous explique : "Lorsque vous vous levez le matin, vous dites : 'Vous savez quoi ? Vous ne prenez pas cette décision. Je prends cette décision', et ça c'est très puissant". Les mots d'une femme libérée.
D'une intervention à l'autre, AOC n'hésite pas à tacler les esprits étroits. Comme lorsque, cible d'insultes ahurissantes, la jeune femme d'origine portoricaine la "culture de l'impunité, d'acceptation de la violence et du langage violent contre les femmes" qui imprègne les structures de pouvoir. A l'unisson, elle qualifie son rouge à lèvres "d'audacieux", "d'indestructible" et de "punchy". Et si la trousse de maquillage était un miroir brandi face à soi ? Il est bien plus que cela en vérité. Le rouge à lèvres met l'accent sur la bouche, et donc sur la parole, contestataire, qui en émane. Tout cela importe (beaucoup) pour affronter les obstacles.
Et pas simplement lorsque l'on est députée. Alexandria Ocasio-Cortez avoue en ce sens son admiration pour la communauté LGBTQ, qui "utilise la beauté comme une forme d'expression de soi" au sein d'un système et de ses normes "en grande partie construits pour le confort des hommes et l'assujettissement des femmes comme des personnes queers". Politique, on vous dit ! En guise de conclusion sororale, la politicienne tient cependant à rappeler à ses lectrices et fans "qu'aucun maquillage ne peut se substituer au fait de s'aimer soi-même". Une belle philosophie.