Les fans du monde entier la connaissent sous le nom de "Notorious RBG". Bien plus qu'un simple mème, Ruth Bader Ginsburg demeure, à 85 ans, l'une des figures emblématiques de toute l'Histoire des États-Unis, et l'une des personnalités les plus influentes du monde.
Diplômée de la Harvard Law School, elle a dû se battre dans le milieu des années 50 pour intégrer une école qui à l'époque n'acceptait que très peu de femmes (9 contre 500 hommes).
Avant d'être nommée juge à la Cour suprême des États-Unis en 1993 par l'ancien président Bill Clinton, Ruth Bader Ginsburg a plaidé six affaires en faveur du droit des femmes devant cette même Cour suprême : elle a en remporté cinq.
Toute sa vie, cette femme de loi a mené une lutte sans faille pour l'égalité femmes-hommes et a contribué à l'éradication de bons nombres de traditions sexistes. On lui doit notamment l'ouverture aux femmes d'un institut militaire de l'état de Virginie, établissement qu'elle a poursuivi en 1996 pour "discrimination sexiste". Jusqu'à cette date, l'école refusait en effet l'accès aux femmes.
Aujourd'hui encore, elle reste un modèle pour les hommes et les femmes des anciennes et nouvelles générations. Dans leur documentaireRBG qui sort ce mercredi 10 octobre en France, les réalisatrices Betsy West et Julie Cohen décrivent Ruth Bader Ginsburg comme le "dernier rempart anti-Trump". Retour sur le parcours extraordinaire de cette femme de loi avec la cinéaste Besty West.
Betsy West : "Julie Cohen [l'autre réalisatrice] et moi, avions toutes les deux déjà interviewé RBG. En 2015, nous parlions ensemble du fait que cette femme a encore une énorme influence sur Internet. Les gens l'appellent "Notorious RBG", il y a des tee-shirts, des mèmes, des tatouages, des posters à son effigie... C'est une véritable icône. Mais nous nous sommes dit que beaucoup de ses fans ne connaissaient probablement pas l'ensemble de son histoire.
Elle a affronté des discriminations incroyables lorsqu'elle n'était qu'une jeune femme, elle a relevé de nombreux défis de taille. Dans les années 1970, elle a réussi à instaurer de nombreuses lois pour lutter contre les discriminations faites aux femmes, ce qui était plutôt incroyable pour l'époque, où les femmes étaient encore sous la protection de leur mari.
À l'époque, les hommes n'étaient jamais poursuivis en justice même quand ils violaient des femmes. Ruth Bader Ginsburg a créé des lois et développé une stratégie juridique entière pour punir ces hommes. C'était très important pour nous de le raconter.
Nous voulions aussi parler de sa vie, et de sa magnifique histoire d'amour avec son mari Martin D. Ginsburg, qui était lui aussi incroyable : un homme féministe, qui l'a toujours encouragée et qui lui a énormément apporté. Comme RBG l'a dit elle-même : 'C'était une vraie chance d'être mariée à un tel homme dans ces années-là.'
B.W : Oui, car nous voulions vraiment revenir sur toutes les grandes étapes de sa vie. Nous avons donc commencé par interroger ses proches. Quand nous avons interviewé Clara, sa petite-fille, elle venait tout juste d'être diplômée de l'école de droit d'Harvard. On a pensé que c'était une bonne idée de l'intégrer dans notre film, car c'est une belle symbolique de la petite-fille qui marche sur les traces de sa grand-mère.
Comme tous les grands noms de l'histoire, RBG n'a pas accompli ses exploits seule, donc cela nous paraissait également pertinent de mettre en lumière celles et ceux qui l'ont inspirée et aidée dans sa lutte. On a rencontré certain·es de ses ami·es, comme le Pr Miller, qui la connaît très bien et qui l'admire beaucoup.
Ensuite, nous l'avons suivie à travers le pays pendant un an. En situation professionnelle, dans les écoles de droit où elle donne des conférences, mais aussi dans des cadres plus intimes. Le documentaire est un portrait de RBG : toutes ses facettes sont importantes, sa vie, son parcours professionnel, mais aussi sa personnalité, son attitude.
On a voulu aller plus loin et montrer qu'elle n'est pas simplement une juge à la Cour Suprême, une icône ou une héroïne du mouvement des femmes. C'est aussi une mère de famille, une grand-mère. Elle est d'un tempérament calme et réservé, mais elle a aussi un sacré sens de l'humour !
B.W : Eh bien disons que c'est difficile de ne pas être impressionnée devant une personne telle que Ruth Bader Ginsburg ! On a voulu montrer cette séquence parce que à 85 ans, elle travaille vraiment dur pour préserver sa forme physique et sa silhouette. Voilà un autre aspect de sa personnalité qui montre sa carrure de battante. Je ne suis pas sûre que j'accepterais qu'on me filme quand je fais de la gym mais elle, elle a dit "oui" ! [rires].
Je l'admire aussi parce qu'elle n'est pas toujours de l'avis de la majorité dans le cadre de son travail : à la Cour suprême, il y a 9 juges. Mais seuls quatre sont progressistes [dont elle], contre cinq juges conservateurs. Ce chiffre fait qu'elle se retrouve à écrire et à proposer des textes qui au final ne sont parfois pas inscrits dans la loi, parce qu'elle n'obtient pas le vote majoritaire. Il y a de quoi être découragée !
Mais ce n'est jamais son cas. Elle reste très optimiste et affirme qu'elle continuera à faire son travail tant qu'elle le pourra.
B.W : Non, quasiment tout le monde a accepté de participer... En tout cas, en ce qui concerne ses proches ou ceux et celles qui soutiennent ses idées et ses actions. Car on a aussi demandé à des personnalités conservatrices, mais là, ça a été effectivement plus difficile.
Je pense que ces personnes ne sont pas en phase avec les combats progressistes de RBG. La perspective de parler devant une caméra les aurait donc peut-être mis mal à l'aise. Mais ce qui est sûr, c'est qu'elles vouent toutes un immense respect à RBG, même si leur idéologie n'est pas la même.
B.W : Cette histoire est arrivée au moment où on la suivait. On a été très surprises par ces déclarations qui étaient assez inhabituelles de la part d'une juge de la Cour suprême, car généralement la justice essaye de rester en dehors de la politique.
Mais je pense qu'elle-même a été surprise. Je ne sais pas pourquoi elle a fait cette déclaration. Les gens qui la soutiennent et qui sont en phase avec ses idées ont également trouvé que c'était inapproprié. Elle-même a d'ailleurs reconnu plus tard, et on le montre dans le film, qu'elle n'aurait rien dû dire.
On trouvait important de couvrir cette histoire, tout simplement parce que cela s'est produit et qu'on y était. Mais nous voulions aussi lui donner l'opportunité de revenir sur cette déclaration et de répondre à ses détracteurs.
Elle a beau être juge à la Cour suprême, elle n'en reste pas moins humaine. Elle a fait une erreur, cela arrive à tout le monde. Elle s'est excusée, donc maintenant on peut passer à autre chose.
B.W : Je pense qu'elle inspire de nombreuses générations dans le monde, à travers les mots qu'elle écrit. Les étudiantes en droit l'admirent totalement bien sûr, mais pas seulement elles. J'ai assisté à certaines rencontres et je voyais des personnes qui pleuraient de joie en voyant RBG car elles savent ce que son combat pour les droits des femmes représente pour elles, pour nous.
Parfois, il y avait des petites filles de 8 ou 10 ans qui portaient un tee-shirt à l'effigie de RBG, en sachant parfaitement qui c'était ! Je pense que toutes les générations peuvent s'identifier à son combat et que c'est la raison pour laquelle tant de gens l'admirent.
B.W : Aussi longtemps que sa santé lui permettra, je pense qu'elle va continuer à jouer un rôle important à la Cour suprême des États-Unis.
Elle est très collaborative et je suis persuadée qu'elle va tout faire pour maintenir une bonne entente avec les autres membres de la Cour, ce qui lui permettra sans doute de faire entendre sa voix dans sa lutte pour l'égalité femmes-hommes et contre les discriminations à l'encontre des minorités.
Elle ne crie pas pour se faire entendre, mais préfère au contraire discuter dans un contexte calme, et je pense que c'est de cette manière qu'elle parvient à se faire respecter et à s'imposer."
RBG, de Betsy West et Julie Cohen, en salle à partir du mercredi 10 octobre.
Sortie en DVD et VOD le 19 Février