Dans l'univers de la mode, on porte du 34 ou on est priée d'aller jouer ailleurs –si possible dans des catégories plus-size, qui lui correspondront mieux. Et malheureusement, la polémique autour de la mannequin Paola Torrente, ou plutôt autour de son tour de taille, révèle l'ampleur des dérives dans lesquelles nous plongent le culte de la maigreur et l'obsession du thigh gap. Cette jeune femme de 22 ans, qui affiche une silhouette voluptueuse digne des plus grandes divas italiennes des années 40, a essuyé une pluie d'attaques à propos de son poids après avoir été élue première dauphine de Miss Italie : il semblerait qu'une femme qui affiche avec fierté sa taille 42, ça ne plaît pas à tout le monde.
L'anticonformisme dérange, et Paola Torrente, bien loin des silhouettes décharnées qui titubent habituellement sur les podiums, ne fait pas exception à la règle. Bien qu'elle soit la candidate la plus populaire et soutenue de l'émission, la mannequin a été accablée de critiques par les médias et les réseaux sociaux.
Par exemple, le quotidien Il Giornale, détenu par Silvio Berlusconi, a attaqué la jeune femme sur son "manque de grâce" et sa silhouette qui "ne fait pas rêver" : "La candidate 'curvy', comme on dit, fière de sa taille 42, compressée dans un improbable body échancré, est désagréable pour les yeux", a écrit le journal, qui voit dans ce choix de Miss de "l'hypocrisie" et du "politiquement correct".
La top croatienne Nina Moric a déclaré sur Instagram que Torrente avait "trop de chair pour participer", tandis que la deuxième dauphine, Viviana Vogliacco , s'est fendue d'un commentaire acerbe en expliquant que Paola "ne devrait pas prendre part au concours normal, mais au concours pour les plus-size". Alors même que le concours de Miss Italie est ouvert à toutes les femmes sans limitation de poids, et que la jeune Paola Torrente n'est pas un mannequin plus-size, mais une femme aux mensurations "normales" : il faut tout de même rappeler que d'après l'Institut français du textile et de l'habillement, 16,66% des femmes font du 42 -c'est la deuxième taille la plus courante en Europe après le 40 (20,6%) !
Bien consciente que son seul tort était d'avoir montré qu'on pouvait être belle même en ayant un corps plus réel que ceux que l'industrie de la mode essaye de nous vendre, Paola Torrente s'est défendue avec calme, en livrant un beau message pour nous apprendre à mieux accepter notre physique.
La première dauphine de Miss Italie n'a pas seulement un corps renversant : la jeune femme de 22 ans n'a pas froid aux yeux, et n'a pas hésité à se faire entendre pour lutter contre le body-shaming qui l'accablait et défendre ses valeurs. "Ces mots ne me touchent même pas, ils m'amusent. Je veux dire, tout le monde a le droit d'avoir un avis, même si ce n'est pas le bon", a expliqué la belle Italienne au DailyMail. "J'assume mes formes à 300% et je n'ai jamais honte de mon corps. Il y a des tonnes de femmes qui choisissent la chirurgie pour être plus voluptueuses", poursuit-elle en dénonçant l'hypocrisie de l'univers de la mode, où des mannequins trop filiformes passent sur le billard pour rendre leurs silhouettes plus "curvy".
"J'ai commencé à recevoir des messages de filles qui me remerciaient d'avoir participé, d'avoir montré qu'un corps qui a des courbes aussi pouvait être beau, et qui me disaient que grâce à moi, elles se sentaient mieux dans leurs corps. Et je veux leur dire de s'accepter et de comprendre que se sentir bien dans sa peau et être heureuse sont les armes les plus puissantes face aux jugements et aux critiques des autres", confie-t-elle avec fierté.
Elle milite pour transformer la conception figée et restrictive que nous nous faisons de la beauté, pour aller vers un idéal plus accessible et naturel : pour entretenir sa silhouette, elle fait beaucoup de sport (du fitness couplé à du cardio avec haltères 4 fois par semaine), mais mange normalement et sainement. "Il faut en finir avec les stéréotypes. Nous voulons des mannequins qui soient plus proches des personnes réelles", explique Patrizia Mirigliani, l'organisatrice de Miss Italie, qui a soutenu Paola Torrente au coeur de la tempête. Elle a même organisé un appel-vidéo pour que Nina Moric s'excuse publiquement de son commentaire vicieux sur le compte de sa rivale.
"Le stéréotype de la fille grande et maigre est apparu dans les années 1990 et les mannequins ont commencé à devenir plus maigres d'années en années. Aujourd'hui, beaucoup de femmes ne se retrouvent pas dans cette compétition qui prône la minceur extrême. Et c'est une bonne chose, c'est le signe que les mentalités sont en train de changer", se réjouit Paola, qui espère qu'un jour, voir une femme taille 42 sur un podium sera la norme et non plus l'exception. En tout cas, sa victoire veut dire beaucoup : c'est un petit pas en avant, le signe d'un tiraillement des mentalités face aux impitoyables diktats de beauté. Pour le journal La Stampa, Paola Torrente est "la gagnante morale du concours", car elle a remporté une victoire hautement symbolique "pour l'armada de jeunes filles qui jusqu'à aujourd'hui ont été obsédées par la mode, ses coupes pour anorexiques, et ses canons de beauté impossible à atteindre sans sauter de repas".