C'est une grande avancée pour les droits des filles. Le Zimbabwe vient d'interdire aux écoles du pays d'expulser les jeunes élèves enceintes, une mesure que les défenseuses et défenseurs des droits des femmes attendaient depuis longtemps. Le vote de cet amendement intervient alors que les autorités de ce pays d'Afrique australe craignent que la fermeture des établissements scolaires suite à l'épidémie de coronavirus n'entraîne l'explosion des violences sexuelles et des grossesses non-désirées.
Le ministre de l'Education du Zimbabwe Cain Mathema a averti : "J'espère que chaque parent et tuteur comprendra que tous les enfants doivent être incités à aller en classe", a-t-il lancé auprès de la Thomson Reuters Foundation ce lundi. "Tous les enfants, fille ou garçon, ont le droit d'aller à l'école au Zimbabwe".
Un coup de semonce qui fait écho à des statistiques alarmantes. Selon le ministère des écoles primaires et secondaires, 12,5% des 57 500 élèves décrocheurs seraient des filles qui ont abandonné leur scolarité à la suite d'une grossesse ou d'un mariage en 2018.
Pour Priscilla Misihairwabwi-Mushonga, députée de l'opposition, le fait d'intégrer ces directives dans la loi avec des sanctions possibles rendrait les règles encore plus efficaces et s'attaquerait aux disparités entre les sexes. "C'était aussi une double tragédie pour la fille car dans la plupart des cas, ce n'était pas un rapport sexuel consensuel mais une sorte d'abus de la part d'un prédateur plus âgé qu'elle. Donc, elle a été traumatisée et violée, puis elle est encore plus traumatisée par le fait d'expulsée de l'école", rappelle-t-elle.
Mais la grossesse n'est que l'une des raisons pour lesquelles les filles au Zimbabwe pourraient ne pas retourner sur les bancs des écoles après la levée des restrictions relatives aux coronavirus, s'angoisse Sibusisiwe Ndlovu, membre de l'ONG Plan International Zimbabwe. La pauvreté et les mariages précoces frappent le pays de plein fouet et constitueraient un frein à la reprise des études de nombreux enfants. Cette nouvelle législation se révèle donc décisive "pour garantir le droit d'accès à l'éducation pour tous les enfants, en particulier les filles", salue la membre de l'association.
Reste que cette nouvelle loi ne constituerait pas la panacée pour encourager les filles à poursuivre leurs études pendant leur grossesse, les militant·e·s plaidant pour "un soutien social et des ressources financières" notamment pour les filles de "familles marginalisées".
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) ont lancé un appel d'urgence aux gouvernement africains le 20 août dernier, les exhortant à rouvrir- en toute sécurité- les écoles, fermées depuis six mois. "Les fermetures d'écoles sans précédent et prolongées dans le but de protéger les élèves contre le Covid-19 leur causent d'autres préjudices", pointant notamment une mauvaise alimentation (plus de 10 millions d'enfants manquant les repas scolaires ), du stress, une exposition accrue à la violence et à l'exploitation et des grossesses précoces. Le directeur régional de l'Unicef pour l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe, Mohamed M. Malick Fall, a ainsi estimé que "l'impact à long terme de la prolongation de la fermeture des écoles risque de nuire encore plus aux enfants, à leur avenir et à leurs communautés."
L'agence onusienne garde en tête un sombre précédent : à la suite des fermetures d'écoles causée par l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest en 2014, les taux de grossesse chez les adolescentes en Sierra Leone avaient doublé et de nombreuses filles n'avaient pas pu poursuivre leurs études lors de la réouverture des établissements scolaires.