En parallèle du "IN" , le "Off" du Festival d'Avignon a tout autant de créations audacieuses, étonnantes et très incarnées à nous proposer durant tout le mois de juillet. L'occasion de donner le la aux voix les plus marginalisées d'ordinaire : personnes en situation de handicap, travailleurs, femmes, féministes, lesbiennes... Mais aussi de rappeler la puissance politique d'un art bel et bien vivant qui ne cesse jamais de se renouveler.
La preuve en huit spectacles à ne surtout pas manquer.
Saisir le temps d'une pièce la complexité du trouble bipolaire, c'est là l'ambition loin d'être évidente du metteur en scène Denis Lachaud. Un pari réussi puisque cette création a déjà été saluée pour sa sensibilité et son intelligence. Autre exploit, de comédie cette fois-ci : c'est Florence Cabaret (diagnostiquée bipolaire à l'âge de 39 ans) qui à elle seule porte sur ses épaules ce récit introspectif aux vertigineuses dérivations mentales.
"Déraisonnable" de Denis Lachaud. Du 7 au 26 juillet à Artéphile à 13h45 - Relâche les 13 et 20 juillet.
À l'heure des réseaux sociaux, des fake news et de la post-vérité, les jeunes générations connaissent-elles vraiment l'histoire, son poids et sa valeur ? Et dans ce présent où tout va toujours trop vite, surtout les informations, quel regard porte-t-on précisément sur le passé ?
Pièce immersive, "Décodage" épingle ces questionnements en plaçant au coeur de la réflexion une oeuvre fondamentale, "Le Journal d'Anne Frank".
"Décodage" de Jana Klein et Stéphane Schoukroun - Du 12 au 29 juillet à La Cour du Spectateur à 16h10 - Relâche les 17 et 24 juillet.
Un intitulé familier aux lointains parfums de girl power, qui s'affiche tout en majuscules comme un slogan de manif féministes : "Meufs" met en scène quatre comédiennes qui chacune à leur manière vont dire le sexisme et les violences misogynes. Une manière de dépeindre la condition féminin à l'heure de la révolution #MeToo. Et ce dans une ambiance électro et une liberté de ton forcément précieuse.
"Meufs" de Léa Loic - Du 11 au 23 juillet au Théâtre Le Vieux Sage à 16h15 - Relâche le 17 juillet.
Que trouve-t-on au-delà des mots ? Peut-être une forme de vérité insaisissable.
Une vérité qui émane indéniablement de notre jeune protagoniste, Lola, adolescente atteinte d'un trouble sévère du langage. Sa manière à elle de s'exprimer, c'est la danse, qui viendra porter cette exploration du handicap. Une immersion à hauteur de fille, ode à la singularité, à la jeunesse et aux corps en mouvement.
"Zourou, au-delà des mots" de Mélodie Molinaro - Du 6 au 29 juillet au Théâtre Episcène à 15h05 - Relâche les 10, 17 et 24 juillet.
Difficile de résumer tous les combats menés par Gisèle Halimi, qui s'est éteinte le 28 juillet 2020 à l'âge de 93 ans.
Portée par une autre très grande dame, l'actrice Ariane Ascaride, et inspirée des entretiens menés par la journaliste Annick Cojean, cette pièce vient faire honneur à la voix et aux luttes de cette avocate, femme et de lettres et de convictions, qui n'a cessé de se battre pour la légalisation de l'avortement en France, les droits fondamentaux des femmes, la reconnaissance du viol comme crime. Une parole qui s'avère toujours aussi inspirante en 2023.
"Gisèle Halimi : une farouche liberté" de Léna Paugam - Du 7 au 29 juillet à La Scala Provence à 18h00 - Relâche les 10, 17 et 24 juillet.
Deux grands thèmes traversent les luttes féministes ces deux dernières années : l'amour (qui passe aussi par la sororité) et la famille - comme le démontre le passionnant "Faire famille autrement" de l'autrice Gabrielle Richard, qui interroge la notion de famille queer.
La famille est justement au coeur de cette pièce tout aussi (im)pertinente, qui met précisément en lumière l'expérience complexe des mères de famille homoparentales. Interroger la famille, c'est remettre en question un système, hétéro, sexiste, qui ne demande qu'à l'être. Un grand oui.
"La famille s'agrandit" de Marie Desgranges et Marie Dompnier - Du 7 au 26 juillet au Théâtre du Train Bleu à 19h30 - Relâche les 13 et 20 juillet.
Contrairement à ce que laisse supposer ce titre, pas d'adaptation du chef-d'oeuvre d'Herman Melville à l'horizon... À moins que ?
Après tout, cette pièce nous introduit à un certain Ishmael, comme dans le roman d'origine. Mais c'est moins une grosse baleine bleue que son quotidien de docker, auprès de ses collègues, qui nous sera relaté sur les lanches. En émane une oeuvre engagée placée sous le signe de la lutte sociale et des travailleurs anonymes. Poétique ? Politique ? Et pourquoi pas les deux à la fois ?
"Le Moby Dick" de Lina Lamara - Du 7 au 29 juillet à 11h35 au Théâtre des Gémeaux - Relâche les 12, 19 et 26 juillet.
Voir aussi :notre sélection des spectacles à voir avec des enfants au Festival Off d'Avignon 2023
Etre mec, être meuf, être un vrai bonhomme, être un garçon manqué, ça veut dire quoi aujourd'hui ?
Alors que les stéréotypes de genre sont volontiers bousculés, on peine encore à s'émanciper cependant de tous ces clichés qui nous collent à la peau. Cette pièce très moderne bouscule nos attentes en captant les discutes d'une bande de filles. Sur les genres, l'attitude, les mots, le rap, la féminité, les discriminations, le regard des autres. De quoi faire hurler ceux qui regrettent l'ancien monde, le culte de la virilité et l'absence de points médians : tant pis pour eux !
"Viril(e•s)" de Marie Mahé - Du 7 au 26 juillet au 11 - Avignon à 19h00 - Relâche les 13 et 20 juillet.