C'est un drame qui en dit long sur la condition des femmes en Iran. Aux pieds du tribunal de Téhéran, le 2 septembre dernier, une femme s'est immolée. Un geste de désespoir, mais surtout de protestation face à la domination patriarcale. Effectivement, cette Iranienne venait d'écoper de six mois d'emprisonnement, pour un fait dérisoire : s'être introduite au sein du stade Azadi, à l'ouest de Téhéran, afin d'assister à un match de football.
Cela ne paraît rien - et à juste titre - mais en Iran, il est interdit aux femmes d'assister à la moindre manifestation sportive publique qui prendrait place dans un stade. Le football en premier lieu. Un sport populaire et pourtant synonyme d'exclusion si l'on en croit ce que dictent les autorités iraniennes. Comme nous l'apprend The Telegraph, la citoyenne indignée s'appelait Sahar. Elle n'avait que vingt-neuf ans...
Selon les informations du journal britannique (puisées auprès des médias locaux), la jeune femme serait allée assister en mars dernier au match en question, opposant deux équipes nationales de football iraniennes. Elle aurait été arrêtée par les forces de l'ordre pour "tenue offensante". Ou, comme l'énonce le juge, pour avoir "défié le code vestimentaire des femmes". Suite à cela, bien que souffrant de troubles bipolaires, elle aurait subi de véritables violences psychologiques au sein de la prison pour femmes de Qarchak. Cette même prison qui a récemment fait l'objet d'une lettre ouverte de la part de 200 de ses prisonnières, s'indignant à l'adresse du directeur des prisons de Téhéran de leurs insupportables conditions de vie (manque d'accès à l'eau potable, médiocre qualité des repas, détérioration des conditions de santé).
A en lire le rapport des médecins, 90 % du corps de Sahar a été brûlé au troisième degré. Comment mieux dire la violence des mesures patriarcales ? Cela fait déjà quarante longues années - soit la date de la révolution iranienne - que les femmes sont interdites de stade en Iran. Pour enfreindre cette répression systémique, d'aucunes n'hésitent pas à se déguiser en hommes, révélait la BBC il y a quelques semaines. Cependant, on se souvient non sans émotion de ces images de novembre 2018 : ces mille Iraniennes assistant à une finale de Ligue des Champions au sein du stade de Téhéran, suite à une autorisation exceptionnelle. Un événement unique, empli d'espoir, spontanément qualifié de "match pour la liberté", et qui n'avait d'ailleurs pas manqué de susciter une controverse nationale.
Suite au suicide de la jeune Sahar, cette utopie paraît lointaine. Inespérée. Pour preuve, il y a quelques temps encore, le procureur général iranien Mohammad Jafar Montazeri déclarait sans détour : "Quand une femme se rend au stade et voit des hommes à moitié nus vêtus de vêtements de sport, le péché est commis". Au sein des stades, la lutte des femmes pour l'égalité se poursuit mais la victoire semble, hélas, hors de portée.