On les observe, on les commente, on les acclame. Aujourd'hui, les footballeuses sont sur tous les terrains. Des fulgurances fashion aux punchlines politiques leurs tacles et leur style sont de constantes sources d'inspiration pour les futures générations. Bref, le "soccer girl power" est indéniable. Voici quatre raisons d'y succomber.
Impossible de penser aux footballeuses sans avoir à l'esprit quelques personnages pop. On se souvient des Jess et Juliette (alias "Jules") du film Joue-la comme Beckham, l'histoire de deux joueuses amatrices de la banlieue de Londres à la poursuite de leurs rêves - incarnées par les solaires Parminder Nagra et Keira Knightley. Une vision girl power du foot. Jess dribble "comme David" pour mieux s'émanciper des traditions familiales les plus rétrogrades, assumer son corps et se libérer des injonctions de la mère (qui l'ordonne de "se comporter en femme"). Même le père de "Jules" s'amuse à sa sauce de cet épanouissement au féminin : "Si ma fille a plus envie de jouer au foot que de draguer les mecs, ça ne me gêne pas" dit-il. La soccer girl est une femme libre.
Depuis la sortie du film de la réalisatrice Gurinder Chadha - il y a quinze ans - nombreuses sont les icônes à s'être réappropriées les oripeaux de la footballeuse. Vox nous le rappelle l'espace d'un panoptique. Alors que Blake Lively apprivoise le ballon dans Quatre filles et un jean et qu'Amanda Bynes se déguise en mec pour pouvoir porter les crampons dans She's The Man (où elle affronte l'athlétique Channing Tatum), des célébrités revendiquent un look sportswear au quotidien, comme Kristen Stewart, qui aime avoir aux pieds des chaussures de football Adidas (des Sambas) ou Miley Cyrus : la chanteuse se réjouit d'afficher en public les sandales Adilette - d'Adidas également.
Loin d'être un simple fantasme - comme l'est encore la cheerleader, ou pom pom girl - l'image de la footballeuse se démocratise au sein de la culture populaire. C'est ce que démontrent les rappeurs Future et Drake avec leur clip Used to this. Alors que les superstars s'égosillent sur la pelouse, une dizaine de joueuses s'entraînent alentours. Et ce sans le moindre gros plan salace typé R'N'B. Deux moguls gesticulent face cam', mais les véritables légendes sont en arrière-plan...
C'est quoi, un look "soccer girl power" ? Chaussettes blanches, sweatshirts à col bénitier, chemises et shorts amples, pantalons de survêtement et chaussures de foot en salle tous deux griffés de la marque Adidas (comme les Sambarose, la déclinaison féminine) constituent la garde-robe parfaite de la footballeuse accomplie, si l'on en croit le magazine Vox. Mais plus que cela, le style de la footballeuse est avant tout un état d'esprit. Les vêtements portés doivent inspirer confort et confiance, explique la jeune footballeuse Noelle Walters (9 ans !) à la Fox. La souplesse des matières et des tailles assurent une forme de bien-être sur le terrain. Et cela se ressent donc forcément à l'extérieur. Car "c'est une question d'attitude", renchérit le média.
La récente victoire de l'équipe de football féminin américain incite d'ailleurs bien des admirateurs et admiratrices à revêtir cette "attitude". "Le maillot de l'équipe féminine des États-Unis est devenu le modèle le plus vendu de tous les temps en une saison sur notre site, que ce soit chez les hommes et les femmes", s'est enthousiasmé Mark Parker, le patron de Nike.
Désormais, nombreuses sont les créations textiles à enrichir ces sapes d'un nouvel état d'esprit, empli de la même audace. Teen Vogue nous invite à dégoter les nouveaux maillots siglés Bleacher Report imaginées par d'exigeantes designeuses. Des créatrices qui, en collaboration avec des artistes comme Billie Eilish et Kodie Shane, s'exercent à moderniser le sempiternel maillot de foot. Le modèle mis en avant par Kodie Shane est ainsi jaune vif et griffé d'un slogan ("HUMAN"), mais aussi de symboles éloquents, comme l'arc-en-ciel emblématique de la communauté LGBTQ - au-dessous duquel trône le mot "Egalité". Les maillots des créatrices de mode Laci Jordan et Melody Eshani dévoilent carrément une infographie détaillant l'écart salarial entre joueurs et joueuses pour l'une, et la phrase "Le monde est à toi" pour l'autre. Le logo ? L'image d'une main féminine aux ongles recouverts d'un vernis rouge-sang, soulevant le globe-terrestre comme une balle.
Ces accroches "stylées" nous le suggèrent : la "soccer girl attitude" est politique. Et ce n'est pas l'exemple déjà iconique de Megan Rapinoe qui nous fera dire le contraire. Les tacles que délivre la capitaine américaine se portent sur bien des adversaires. Donald Trump, dont elle fustige la misogynie et le racisme. La fédération de football américain, dont elle dénonce la "discrimination sexiste institutionnalisé", à savoir la sous-rémunération des joueuses, aux côtés de vingt-huit consoeurs tout aussi révoltées. Les violences à caractère racial, auxquels elle réagit en refusant de chanter l'hymne national américain. Alors qu'elle s'envisage comme une "contestatrice ambulante", Megan Rapinoe voit son geste de victoire réapproprié par les internautes les plus admiratifs. Elle est l'incarnation d'une génération d'où émane "un même enthousiasme inextinguible pour tout, du football aux causes sociales en passant par le style", synthétise Yahoo Sports.
Comme si le foot, sport populaire par excellence, était l'objet parfait pour englober toutes les formes d'expression. C'est ce qu'appuie Teen Vogue en se réjouissant de la recrudescence des fanzines de sport créés par des femmes. Des publications indés où s'entrecroisent football féminin et mode, société et diversité. Rédactrice en chef du magazine américain Season, Felicia Pennant explique ainsi vouloir contrer "la dimension masculine et obsolète de la culture-football moderne". Sur son compte Insta s'alignent les portraits de femmes qui prennent le pouvoir : la chanteuse Aya Nakamura vêtue d'un maillot de l'équipe de France, une joueuse portant un hijab Nike, une déclaration d'amour à la triomphante Ballon d'Or Ada Hegerberg.
"Un maillot de football est un symbole de solidarité. Les joueuses portent le maillot de leur équipe pour se distinguer sur le terrain de jeu et les supportrices le portent en guise de soutien. Et ici, la mode est utilisée pour protester en faveur de l'égalité sur et hors le terrain", nous assure Teen Vogue. Qui dit footballeuse dit sororité. Porter un maillot, c'est déjà militer.
Et la lutte se poursuit encore sur Instagram, où les comptes en l'honneur des joueuses abondent. Du côté de @thisfangirl (et ses abondantes galeries photographiques de sportives) et de @footballbeyondborders par exemple, où il est question "d'utiliser le pouvoir du football pour éduquer et inspirer". Notamment en accordant une visibilité certaine aux jeunes adolescentes par le biais de la campagne et de l'exposition "Les femmes qui ont changé le jeu" ("The women who changed the game"), ode aux initiatives entreprises par les femmes du monde entier. "Plus qu'une célébration du football féminin, c'est un mouvement initié par des filles qui en ont marre d'être des laissées pour compte", y lit-on. L'idée est évidemment d'apporter ces récits aux femmes de demain. C'est là le "lifegoal" des footballeuses : influencer positivement les jeunes générations. Celles qui prendront la relève.
C'est d'ailleurs pour cela que l'attaquante américaine Alex Morgan a lancé The Kicks, une série de neuf livres destinés aux petites filles et décrits par son éditeur (le prestigieux Simon & Schuster) comme une suite d'histoires amusantes et emplies d'"empowerment", sur la confiance en soi et le travail en équipe. Du girl power à l'état pur donc.
Pour Seghir Lazri, doctorant en sociologie à Paris Descartes, ces championnes de demain ont même "l'opportunité d'inventer un autre football". Car les obstacles que les sportives doivent franchir sont indénombrables, de leur mise à distance des objectifs accolés aux mecs ("se dépasser, repousser leurs capacités physiques") aux habitudes d'un public familiarisé aux spectacles sportifs masculins ultra-médiatisés, en passant par une ribambelle d'injonctions délicates, comme "s'approprier des techniques masculines mais aussi prouver leur féminité"...Ce faisant, elles doivent faire preuve d'une "inventivité plus grande que celle des hommes". Ce sont ces performances qui écrivent l'avenir. Plus question de rester sur la touche.