L'intitulé de l'édito annonce la couleur. Y a-t-il un docteur à la Maison-Blanche ? Pas si vous avez besoin d'un médecin, titre Joseph Epstein dans le pourtant très sérieux Wall Street Journal. Au fil de ses mots acerbes, il attaque Dr Jill Biden sur son titre de "Dr", justement, qu'il estime inapproprié.
"Jill Biden devrait penser à laisser tomber cette distinction honorifique, qui semble frauduleuse, voire comique", résume-t-il en tête de texte. Puis lance, avec une condescendance difficilement soutenable : "Madame la Première dame - Mme Biden - Jill - gamine : un petit conseil sur ce qui peut vous paraître comme un détail sans importance mais qui ne l'est pas."
Car il insiste : l'enseignante et épouse du futur président des Etats-Unis Joe Biden, qui souhaite continuer d'exercer, ne devrait pas se faire appeler ni utiliser le terme "Doctor" devant son nom, mais plutôt "Ed. D.", qui signifie "Doctor of Education" ("docteur·e en sciences de l'éducation", en français) et correspond davantage à son diplôme. "Il fut un temps lointain où l'on utilisait le titre de docteur après avoir obtenu un doctorat, mais c'était avant l'érosion du sérieux et le relâchement des standards dans l'université de manière générale", affirme le farouche adepte du "c'était mieux avant".
Plein d'arrogance, il s'adresse ensuite de nouveau à la Dr Jill Biden : "Oubliez le petit frisson d'être Dr Jill et contentez-vous du frisson plus grand d'être pendant quatre ans dans le meilleur logement public du monde en tant que First Lady Jill Biden". Sous-entendu : gardez vos petits accomplissements personnels pour vous et concentrez-vous plutôt sur la carrière de votre mari, qui vient avec des avantages dont vous allez allègrement profiter. Nauséabond.
Le clan démocrate - mais pas seulement - n'a pas tardé à réagir. Le mari de la nouvelle vice présidente Kamala Harris et avocat Douglas Emhoff a tweeté dans la foulée : "Dr Biden a obtenu ses diplômes grâce à un travail acharné et une véritable détermination. Elle est une source d'inspiration pour moi, pour ses élèves et pour les Américains à travers le pays. Ce texte n'aurait jamais été écrit à propos d'un homme."
Le porte-parole du camp Biden, Michael LaRosa, a quant à lui épinglé le Wall Street Journal : "Vous devriez être gênés d'imprimer l'attaque dégoûtante et sexiste sur [Dr Biden]", a-t-il écrit. "Si vous aviez le moindre respect pour les femmes, vous enlèveriez cet étalage répugnant de chauvinisme de votre journal et vous lui présenteriez vos excuses."
Un sexisme également dénoncé par Meghan McCain, la fille du candidat républicain à l'élection de 2008 John McCain et proche de la famille présidentielle, qui condamne : "J'en ai assez de la façon dont des hommes misogynes parlent dans les médias de femmes accomplies".
Bernice King, pasteure, militante, et plus jeune fille de Martin Luther King, a elle aussi tenu à apporter son soutien à Dr Jill Biden, rappelant que son père, également, "était un docteur non-médical". "Son travail a apporté de grands bénéfices à l'humanité. Le vôtre aussi".
En guise de conclusion, la principale concernée s'est fendue d'un tweet qui souligne la route qu'il reste à faire en termes d'égalité femmes-hommes. Un combat que les nouveaux locataires de la Maison blanche tâcheront d'entreprendre. "Ensemble, nous allons construire un monde où les réalisations de nos filles seront célébrées, plutôt que diminuées", assure Dr Jill Biden. Vivement.