Quel que soit l'âge des femmes, les habitudes sont lourdes à défaire et la tentation de faire les choses pour faire plaisir aux autres n'est jamais bien loin. Si cela est compréhensible s'agissant de femmes qui ont aujourd'hui 40, 50, 60 ans et plus, et qui n'ont pu abolir faire la révolution partout, c'est plus surprenant venant des générations X et Z dont on aimerait penser qu'elles sont plus affranchies que les femmes des générations précédentes. Or, plus elles sont jeunes, et plus elles sont promptes à discourir avec beaucoup de facilité sur la fellation ou la masturbation masculine, mais à trouver "dégoûtant" le "doigté".
Les chiffres accompagnent le discours, puisqu'à 15 ans, seules 24,9% des filles se masturbent contre 82,2% de garçons. À 18 ans, elles ne sont que 46,3% alors que presque tous les garçons l'ont essayé (95,4%), et 59% pensent ne jamais vouloir tenter l'expérience. Les femmes sont plus nombreuses à essayer la masturbation après 20 ans, avec comme souci principal la peur du ridicule ou l'idée farfelue que c'est une activité plus masculine. Certaines femmes ne le tentent qu'avec leur partenaire (soit à se masturber devant lui, soit pendant le rapport), dans le souci de lui plaire. Entre 18 et 59 ans, elles ne sont que 41,7% à s'être masturbée pendant l'année écoulée (contre 63,3% pour les hommes) selon le The Janus Report on Sexual Behavior (Rapport Janus sur les comportements sexuels). Seules 10% des femmes se masturberaient fréquemment contre 25% des hommes.
Les raisons avancées sont encore aujourd'hui qu'une femme "bien" est une femme passive, dépendante, alors que les femmes dites "sexuelles" seraient menaçantes. Bien d'autres stéréotypes empêchent encore les femmes de se faire du bien : elles trouvent leur sexe laid ou non conforme à ce qu'elles ont pu voir (retouché) dans les magazines, elles pensent que c'est une activité pour célibataires, entre autres.
Ce qui est surprenant aujourd'hui, c'est que les jeunes filles et femmes préfèrent procurer du plaisir aux hommes, plutôt que d'en prendre. A 14 ans, il n'est pas rare d'entendre la conversation dans les cours de récréation, sur qui "l'a fait" dans les toilettes ou ailleurs. La presse américaine s'est largement emparée du sujet et les jeunes filles racontent que la fellation serait une pratique courante. "Dans la plupart des cas, les filles le font, souvent parce qu'elles ne voient pas d'autres moyens de garder leur petit ami. Elles ne veulent pas faire l'amour, mais les garçons disent que sans pipe, ils partiront", confie une jeune Ashley.
Laura Backstrom, Elizabeth Armstrong, et Jennifer Puentes, chercheuses à l'Université d'Indiana et du Michigan, ont fait une étude sur le cunninlingus chez les étudiantes. Beaucoup trouvent l'acte répugnant, sans pouvoir donner plus d'explications, et 35% des participantes trouvent plus difficile d'accepter ce plaisir plutôt que de faire une fellation, ce qui ne les empêche pas, en théorie, de vouloir une réciprocité dans les rapports.
Nous sommes dans une société qui pousse encore et toujours les femmes à séduire, en amour, au travail, dans la vie sociale. Ce souci de plaire conjugué au goût du "care" si spécifique aux femmes, les poussent à faire plus souvent pour les autres que pour elles-mêmes. Or la jouissance, les orgasmes, le renouvellement continu du plaisir passent inlassablement par l'égoïsme, l'amour-propre, l'amour de soi, la découverte de son corps. Toutes les audaces commencent par soi-même, on ne peut rêver de conquérir le monde entier, ni même un seul être, si le vagin, le clitoris, la pointe des seins, sont des territoires qu'on ne maîtrise ni ne connaît. Il n'y a pas de péché à s'épanouir dans une volupté toute naturelle, bien au contraire ...