Je fais partie des 5 % de Français·e·s, hommes et femmes confondus, à ne pas vouloir d'enfant. À 34 ans, ce choix a été longuement réfléchi et est aujourd'hui totalement assumé. Pourtant, il m'est encore souvent impossible de seulement laisser sous-entendre ne pas désirer de bébés.
À défaut, j'ai droit aux réflexions coutumières :
Tu changeras d'avis !
Tu es égoïste !
Tu regretteras !
Tu finiras toute seule !
Ou celle implacable qui me rappelle que mon corps n'est pas mon allié :
L'horloge tourne ! Dépêche-toi !
Tous mes besoins personnels tels que l'envie de conserver ma liberté au quotidien et mon autonomie dans mes choix de vie, trouvent une réponse imparable. Commence alors une joute verbale parsemée des mêmes arguments entendus et répétés des centaines de fois. Aucune personne, en âge de donner son opinion, ne se dispense de son devoir de me ramener sur le "droit chemin".
Que ce soit dans mon cercle familial, privé ou professionnel, ces répliques cinglantes préfabriquées sont basées sur des arguments arriéristes condamnant les brebis égarées et hissant la procréation au rang de devoir.
Nous voici donc, femmes sans enfant, destituées de notre plein statut féminin !
Après une telle vague de soutien, de tolérance et de compréhension, je me suis mise à penser que je ne devais sûrement pas avoir bien compris ce qu'était une vie réussie et que je devais sous-estimer la magnificence du rôle de mère. Ces réactions archaïques inconscientes s'inscrivent pourtant dans un paradigme social et culturel et répondent au besoin primaire de sécurité de l'Homme.
Aux yeux de ces personnes, nous remettons en cause la notion même du principe créateur si précieux à la religion chrétienne et représentons une menace à l'ordre établi depuis des siècles.
Lors d'une soirée entre amis, j'abordais ce thème avec la mère d'une enfant de huit ans. Tandis qu'avec son conjoint, ils avaient pris la décision commune de ne pas donner naissance à nouveau, elle m'avoua être sans cesse sous le joug des critiques de son entourage lui enjoignant à faire un autre enfant le plus rapidement possible.
Après tout, comment osait-elle se soustraire à la règle du second ? Les attributs masculins de son conjoint lui permettaient, quant à lui, d'échapper à cette injonction.
Je n'ai jamais ressenti ce besoin ardent, viscéral, ce cri du coeur et du corps à porter la vie. Lorsqu'un jour, une amie me confia vivre avec la sensation d'un vide immense au creux du ventre et son urgence physiologique de porter un enfant, je tombais des nues. La seule urgence dont j'avais jamais été victime était celle de faire ma valise pour partir illico en voyage ou à la rigueur de m'offrir une escapade à cheval.
J'explorais, pour la première fois, le désir d'être mère à travers une autre personne. Est-il possible d'être dénuée du programme génétique de la maternité ? À ce jour, toujours aucun signe de vie du besoin irrépressible de materner.
Je célèbre, au contraire, mon goût des grasses matinées, des soirées et des week-ends improvisés et le bonheur des voyages hors vacances scolaires. Si l'International childfree day ("La journée internationale des femmes ne désirant pas d'enfant") fête ces privilèges chaque 1er août, j'ai la chance de les honorer toute l'année.
Tandis que la mère est sanctifiée, nous, qui n'avons jamais porté d'enfant, sommes appelées les "nullipares" - terme, ô combien glamour, évoquant l'idée de "sans" comme si quelque chose nous manquait.
Aucune opinion ne résiste à l'épreuve du temps et de l'expérience. Essayez donc la tolérance et l'ouverture d'esprit en questionnant intelligemment sur les raisons de nos choix indépendamment de vos attentes personnelles, de vos croyances et de vos conditionnements empiriques.
Via mon non-désir d'enfant, j'expérimente probablement la peur de perdre ma liberté et de ne pas être à la hauteur en tant que mère pendant que d'autres répondent à la crainte de vieillir et de finir seule. Mais qui peut juger quelle peur est la plus légitime ?
Nous sommes fréquemment étiquetées d'immatures. Et pourtant, il me semble significativement plus responsable d'évaluer en amont les enjeux, pour le moins irréversibles, de la maternité car plus tard, personne ne nous autorisera à avouer que nous regrettons nos enfants.
Fort heureusement mon rôle de tatie me permet de goûter aux joies de l'innocence tout en évitant les affres de l'éducation au quotidien. La solution est donc là ! Laissez vos frères et soeurs faire des enfants pour contenter les grands-parents et récoltez uniquement les moments de rire et d'insouciance.
Par Annah Scott, autrice de Pas d'enfant, merci !