Tout est parti d'une simple story Insta à l'origine. Banale peut être et pourtant : courageuse, et abondamment commentée. Alors que Judith Godrèche accusait le cinéastes Jacques Doillon d'agressions sexuelles, l'une des stars de son prochain film, l'actrice et humoriste Nora Hamzawi, annonçait son refus catégorique de faire la promo du film en question. Et plus encore, se prononçait pour l'annulation de sa sortie en salles.
Une prise de position qui en annonçait d'autres : récemment, Guillaume Canet a fait savoir qu'il refuserait de soutenir le nouveau film de Benoît Jacquot, cinéaste accusé à l'unisson par Judith Godrèche. Mais cette parole, comment Nora Hamzawi l'explique-t-elle aujourd'hui ?
Sur les ondes d'Inter, elle raconte tout.
"Le film de Jacques Doillon a été tourné il y a quatre ou cinq ans, mais il est bloqué pour des raisons de désaccord avec la production sur le montage, je crois. Tout le monde avait un peu fait le deuil de ce film. Et là, j'apprends que le film va sortir au moment où il y a toutes ces accusations de harcèlement, de violence et de viol. Donc il y a un gouffre". Pour l'humoriste, il devenait dès lors impossible de défendre ce projet.
Et plus qu'une certitude, ce fut une intime conviction : "La question ne se pose même pas pour moi. Il est en train de se passer quelque chose d'important concernant la libération de la parole sur des faits de violences sur mineurs dans le milieu du cinéma. Sortir le film maintenant, c'est vraiment un manque de respect. Je ne soutiens pas cette décision qui me semble être un mépris vis-à-vis de la parole des femmes"
Et c'est encore du côté de Numéro Magazine que l'actrice est revenue l'espace d'une longue interview sur cette décision qui a beaucoup, beaucoup fait parler ! Et qui pourrait ne pas être sans conséquences ?
"J'ai écrit quelque chose qui me paraissait tomber sous le sens. J'ai voulu être sincère, être à l'écoute de la parole des femmes et respecter ça", détaille encore l'actrice et humoriste à Numéro Magazine. "Je n'ai pas du tout eu conscience du poids qu'avait ma prise de parole, qui à la base, était une story".
Dissocier le "privé" de l'artistique, la justice et les accusations de la création ? Pour Nora Hamzawi, c'est un contre-sens absolu. Une absurdité. "Et puis dans ce film, je joue la mère d'une petite fille harcelée. Je l'ai fait à l'époque (il y a 4 ans) parce que c'est un sujet qui me touche. Je me voyais mal ignorer ce qui s'est passé pour la promo d'un film", confie-t-elle encore. Parler, critiquer, dénoncer, au risque d'être blacklistée ?
Cela, entre son one woman show, ses chroniques sur France Inter et ses apparitions à l'écran qui se multiplient (chez Pascal Bonitzer bientôt), Nora Hamzawi s'en fiche. Elle explique : "Je n'ai pas eu peur d'être blacklistée, mais après, à force de recevoir des messages d'acteurs ou d'actrices, de producteurs et de productrices qui saluaient cette position courageuse, je me suis dit que c'était peut-être le fait de venir de la scène et de ne pas être dépendante de cette industrie-là qui a fait que je ne me suis pas posée la question".
Sur Inter encore, Nora Hamzawi affirmait aux auditeurs : "A un moment, on va arrêter de penser à soi. La parole des femmes des victimes est atténuée par : " Oui, mais elle est montée chez lui. " " Oui, mais elle est un peu folle "... Donc si j'avais soutenu la sortie de ce film, alors que je n'avais pas eu d'expérience douloureuse, on aurait pu me rétorquer de ne pas faire trop de bruit parce que moi, ça va. Mais il ne s'agit pas de moi, il s'agit de dire qu'il il se passe quelque chose, ce serait bien qu'on soit à l'écoute"
Cette prise de parole est plus courageuse que ne pourraient le croire certaines âmes chagrines. Le milieu du cinéma n'est pas exempt de pressions diverses en réaction à #MeToo. On se rappelle des insultes et menaces proférées par un directeur de casting à l'adresse d'Adèle Haenel il y a quatre ans de cela.
"Vu mes sources [Adèle] Haenel tu vas avoir une bonne surprise très prochainement avec une bonne omerta, carrière morte bien méritée qui lui pend au nez !", "Tu es qui pour avoir un melon et te la raconter comme face à un monstre vivant ! Tu fous la gerbe !", avait-on pu lire, au lendemain du sacre de Roman Polanski.
A propos de Jacques Doillon, Judith Godrèche a notamment relaté une agression sexuelle qui aurait pris place dans le cadre de son film, La fille de 15 ans. "Sur le tournage, il a engagé un acteur (...), il l'a viré et il s'est mis à la place. Tout d'un coup, il décide qu'il y a une scène d'amour, une scène de sexe entre lui et moi. On fait 45 prises. J'enlève mon pull, je suis torse-nu, il me pelote et il me roule des pelles".
Sa compagne de l'époque, Jane Birkin, en a témoigné dans son journal intime, Munkey Diaries : "Il embrassait vingt fois de suite Judith Godrèche en me demandant quelle était la meilleure prise. Une vraie agonie !"
Mais Judith Godrèche avait également témoigné d'une autre situation : "Doillon me demande un jour de m'allonger sur le lit et il me dit que pour la respiration, il faut qu'il se rapproche de moi pour pouvoir vraiment écrire ce personnage... Il m'embrasse, la pièce est fermée. Il me met les doigts dans la culotte et il me fait allonger sur le lit, et avec son jean, en portant toujours son jean, il se met à se frotter sur moi pour se faire jouir"