Judith Godrèche vient de porter plainte contre Benoît Jacquot, pour "viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans commis par personne ayant autorité". Et dénonce une entreprise de "prédation". Mais également, des violences physiques, sexuelles, psychologiques diverses, relatées dans cette enquête dense du Monde.
Ce n'est cependant pas tout. Au micro de France Inter, Judith Godrèche est aussi revenue sur ce que lui aurait fait subir un autre cinéaste reconnu par la critique : Jacques Doillon. Elle relate une agression sexuelle qui aurait pris place dans le cadre de son film, La fille de 15 ans.
On l'écoute : "Sur le tournage, il a engagé un acteur (...), il l'a viré et il s'est mis à la place. Tout d'un coup, il décide qu'il y a une scène d'amour, une scène de sexe entre lui et moi. On fait 45 prises. J'enlève mon pull, je suis torse-nu, il me pelote et il me roule des pelles".
Sa compagne de l'époque, Jane Birkin, en a également témoigné dans son journal intime paru en 2018, Munkey Diaries : "Il embrassait vingt fois de suite Judith Godrèche en me demandant quelle était la meilleure prise. Une vraie agonie !". Mais ce n'est pas tout...
C'est également les essais dudit film que Judith Godrèche relate. "Doillon me demande un jour de m'allonger sur le lit et il me dit que pour la respiration, il faut qu'il se rapproche de moi pour pouvoir vraiment écrire ce personnage".
"Il m'embrasse, la pièce est fermée, je ne sais pas si Charlotte [Gainsbourg] ou Jane [Birkin] sont là. Il me met les doigts dans la culotte et il me fait allonger sur le lit, et avec son jean, en portant toujours son jean, il se met à se frotter sur moi pour se faire jouir"
Aujourd'hui, deux autres voix s'élèvent contre Jacques Doillon. Celles d'Anna Mouglalis et Isild le Besco. Jacques Doillon aurait embrassé de force Anna Mouglalis, dans la maison de vacances de cette dernière, son époux à proximité : "Un soir après le dîner, nous n'étions plus que deux dans la pièce. C'était dans la cage d'escalier sur le palier qui donnait sur la chambre de ma fille. Il m'a embrassée de force et je l'ai repoussé. C'est sidérant de tenter un truc pareil, dans ces conditions-là. Il y a un tel sentiment d'impunité..."
Le festival de cinéma italien Viva Il Cinema vient d'annuler la venue à Tours du réalisateur, qui était censé présider le jury. Beaucoup perçoivent dans ce #MeToo du cinéma français la fin d'un certain système, de représentations et de domination, celle d'un cinéma "d'auteur" hexagonal, perpétuant et sacralisant une vision du cinéaste comme pygmalion manipulant sa muse, sans cacher son obsession pour les jeunes filles.
Libé l'énonce ainsi : "La plainte de Judith Godrèche déposée mardi contre Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour "viol sur mineur" met en lumière l'appétence malsaine des cinéastes des années 80 pour les jeunes filles. Une érotisation qui a broyé de nombreuses actrices".
Autre constat, celui de Télérama : "En portant plainte contre Benoit Jacquot et Jacques Doillon, Judith Godrèche a exposé l'envers d'un mythe sacralisé par le cinéma d'auteur : la muse et le pygmalion. Une mécanique de domination facilitée par l'aveuglement et la complaisance de certains producteurs, agents et critiques". D'un côté, épingle la revue, des cinéastes tout puissants, et de l'autre, des actrices sous emprise.
La dénonciation d'une culture, d'un système, et de l'époque qui l'a banalisée. Décryptage par l'autrice Jessie Magana : "Les filles de 1974. On a toutes grandi avec ça. Les films avec Judith Godrèche. Le clip de Lemon incest. Les photos de David Hamilton. On en a toutes rêvé. Être un jour l'élue. Certaines de ces filles des 70's ont croisé la route des prédateurs".
"Judith Godrèche parle aujourd'hui, après Vanessa Springora, Flavie Flament et bien d'autres. Et on les écoute. On les croit. Car ceux qui n'écoutent plus sont aujourd'hui minoritaires. Leur monde est en train de disparaître. Ces femmes disent tout de ce que nous étions. Et elles nous guident pour transmettre à nos filles. Et à nos garçons. Merci à elles. #metoo"
Une époque révolue ? On s'interroge. De quoi raviver ces mots d'Adèle Haenel, figure de proue du #MeToo du cinéma français : "Dans l'industrie du cinéma, telle qu'elle est aujourd'hui, il n'y a pas d'espoir. On le voit avec la façon dont les femmes sont considérées. Ils en utilisent une ou deux pour cacher la nudité d'un système oppressif. Ils disent qu'ils luttent contre le sexisme, mais en réalité, rien n'a changé"