Au coeur d'une minisérie Arte largement autobio, Icon of French Cinema, Judith Godrèche s'exprime de plus en plus au sein des médias sur les abus et sur l'emprise dont elle a fait l'objet, alors encore adolescente. Lorsqu'elle était encore mineure, elle a effectivement vécu une relation avec le metteur en scène Benoît Jacquot. Ce dernier avait 40 ans à cette époque. Et elle, 15. Elle avait même encore quatorze ans lorsqu'ils se sont rencontrés.
Un écart d'âge sur lequel était revenu le cinéaste lui-même, au micro de Gérard Miller, au sein du documentaire "Les ruses du désir", dont des extraits, redécouverts, ont été largement partagés sur la Toile ce 7 janvier : "Une fille comme cette Judith, qui avait quinze ans, j'en avais quarante, je n'avais pas le droit... Et elle, ca l'excitait beaucoup, je dirais".
"D'une certaine façon, faire du cinéma est une sorte de couverture pour des gens qui ont des moeurs de ce type-là. Il y a une certaine admiration à propos de ce que d'autres aimeraient sûrement bien pratiquer aussi", y relate le cinéaste sourire au coin, non sans une certaine fierté.
Extrait d'un documentaire sorti en 2011 et qui a incité Judith Godrèche à réagir, par le biais de stories Instagram. Et, ce qu'elle n'avait pas encore fait jusqu'ici au fil des entretiens, à citer explicitement Benoît Jacquot : "Je ne me serais probablement jamais exprimée de manière aussi personnelle sur ces réseaux si ce documentaire n'était tombé sous mes yeux. Non, Benoît Jacquot, une fille comme elle avait 14 ans, et non ça ne l'excitait pas !"
Et son témoignage ne s'arrête pas là.
Dans ses stories Instagram, on peut encore lire ceci :
"La petite fille en moi ne peut plus taire ce nom. Il s'appelle Benoît Jacquot. Il manipule encore celles qui pourraient associer leurs noms au mien. Témoignez. Il menace de me traîner en justice pour diffamation"
"Qui a de l'estime pour les pratiques de Benoît Jacquot ? Comme de tous et toutes depuis 35 ans ? Qui cautionne et valide ? L'agent qui le représente ? Qu'il m'a présenté à 14 ans ? Son producteur ? Tout se savait... J'ai peur de ne plus travailler, de ne pas être soutenue. Mais je me dois de parler pour nos filles, nos petites soeurs"
Nombreuses furent les réactions à cette prise de parole. Sur les réseaux sociaux, les internautes ont notamment émis des analogies entre ces évocations et Le consentement, le témoignage de Vanessa Springora à propos de sa relation, encore adolescente, avec l'écrivain Gabriel Matzneff. Ecart d'âge, emprise, abus, domination, mais surtout, profond sentiment d'impunité lié à l'entresoi culturel, sont autant d'éléments qui y renvoient...
"Judith Godrèche se livre sans détour. Je la soutiens. J'ai une fille de bientôt 13 ans et je n'imagine pas un homme de 40 ans avec elle. Complaisance d'une certaine époque, d'un milieu dit artistique. Je suis de la même génération, au même âge je n'aurai pas vécu la même chose", a témoigné une internaute.
"La manière dont Benoît Jacquot affirme que Judith Godrèche aimait cette différence d'âge me rappelle comment Lolita est mal compris. Même si un enfant est attiré par l'interdit c'est ton rôle de le protéger, au lieu d'en profiter pour le blâmer ensuite", peut-on également lire sur Twitter.
Une parole qui en libère beaucoup d'autres.
Et exige, selon la militante féministe Karine Plassard, une immense remise en question de tout un système : "Il est temps que le système de l'exception culturelle française implose, et que soit regardé la réalité, il n'y a pas de génie dans les agressions des femmes et filles. #MeToo"