Il faut écouter Judith Godrèche. Au coeur d'une minisérie Arte autobio, Icon of French Cinema, l'actrice a dénoncé sur Instagram l'emprise qui a défini sa relation avec le metteur en scène Benoît Jacquot. Lors de leur rencontre, ce dernier avait 40 ans et Judith Godrèche, 14. En 2011, le cinéaste affirmait dans le documentaire "Les ruses du désir" : "Une fille comme cette Judith, je n'avais pas le droit... Et elle, ca l'excitait beaucoup, je dirais".
"La petite fille en moi ne peut plus taire ce nom. Il s'appelle Benoît Jacquot. Il manipule encore celles qui pourraient associer leurs noms au mien. Il menace de me traîner en justice pour diffamation. Tout se savait... J'ai peur de ne plus travailler. Mais je me dois de parler pour nos filles, nos petites soeurs... Non, Benoît Jacquot, une fille comme elle avait 14 ans, et non ça ne l'excitait pas !", a témoigné l'actrice en retour sur son réseau social.
Et c'est également l'espace d'un long entretien auprès du vidéaste Ben Névert que Judith Godrèche est revenue plus en détails sur ce qu'elle a subit durant son adolescence. Le but ? Sensibiliser les jeunes générations... Une prise de parole très forte qui rappelle par instants les mots de Vanessa Springora (Le consentement).
"C'est important de raconter ça pour protéger ma fille, l'informer. La parole ne libère pas, c'est un fantasme. Je parle pour témoigner et informer les générations à venir", annonce d'emblée Judith Godrèche à Ben Névert. Avant de relater les fondements d'une relation d'emprise...
"Quand on est encore un enfant, on se projette dans les livres, on idéalise des personnages de romans.. On est friable. On est accessible. C'est comme si tu étais poreux et il y a plein de points d'accroche. Et moi, j'adorais le cinéma. Cette personne savait comment entrer dans mon monde imaginaire et intérieur... Toi, en tant qu'enfant tu ne te vois pas directement comme un objet sexuel dans cette relation avec un adulte"
L'actrice évoque des manipulations sous couvert d'un certain prestige culturel. Et un pouvoir d'influence d'autant plus fort qu'il touche une personne, par définition, très influencable : une adolescente. La jeune fille éprouve alors une forme de dépendance. Dès ses quinze ans, elle s'est installée en couple avec le metteur en scène de 40 ans, dans une maison achetée pour l'occasion, après avoir été émancipée par ses parents - elle ne va alors plus à l'école. Là-bas, elle n'a pas d'amis, "et personne ne vient jamais". Elle est isolée.
"Rapidement, cette personne te désigne comme l'élue. Alors tu penses que tu ne peux plus faire un pas devant l'autre sans elle. C'est à la fois ton maître et ta béquille. Et le milieu culturel dans lequel tu navigues valide cette situation". Tout ce que raconte Judith Godrèche dans cette vidéo définit précisément la situation d'emprise. Elle éprouve aussi une peur de décevoir celui avec qui elle fait son quotidien. "Et même quand la relation est finie, l'ascendant existe encore ?", s'interroge Ben Névert. Judith Godrèche répond par l'affirmative.
"Plus la personne qui met la main sur toi est intelligente, plus c'est compliqué. Il y a quelque chose d'insidieux, de pervers. Comme quand tu arrives à un casting avec un jean troué, et que le metteur en scène te demande si tu as froid sous ton jean... Qu'est-ce la Judith d'hier dirait à celle d'aujourd'hui ? Mets tes baskets et cours aussi vite que tu peux !"
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