"Vu mes sources [Adèle] Haenel tu vas avoir une bonne surprise très prochainement avec une bonne omerta, carrière morte bien méritée qui lui pend au nez !". On ne peut guère faire plus clair. Sur Facebook, le directeur de casting Olivier Carbone s'en est brutalement pris à Adèle Haenel et à Florence Foresti après la cérémonie historique des César, au gré de quelques publications maintes fois éditées. Et abondamment relayées sur les réseaux sociaux ce mercredi (4 mars).
"Vous êtes tous des gros minables de vous comporter comme des hyènes sur Polanski ! Vous n'aviez [qu'à] pas aller à la cérémonie un point c'est tout !", peut-on également lire au fil de ces posts, intégralement écrits en lettres majuscules. Un message limpide : malgré le succès public de son film J'accuse, sa réception critique consensuelle, mais aussi le César de la meilleure réalisation (anciennement meilleur réalisateur) qui lui a été attribué par l'Académie des César, Roman Polanski (actuellement sous le coup de 12 accusations de viols) ferait l'objet d'un "lynchage" haineux.
Mais la violence ici, c'est plutôt la jeune comédienne qui en fait l'objet...
"Haenel, tu es minuscule par rapport au talent de Roman ! Tu es qui pour avoir un melon et te la raconter comme face à un monstre vivant ! Tu fous la gerbe !", poursuit de plus belle le directeur de casting. Un discours qui fait curieusement écho à celui de Lambert Wilson, par ailleurs cité dans la publication d'Olivier Carbone. Des mots auxquels Olivier Carbone a réagi chaudement en écrivant "Merci mon Lambert de remettre les pendules à l'heure !".
Au micro de FranceInfo, l'acteur français avait attaqué le comportement de Florence Foresti lors de la 45e cérémonie des César, tout comme le départ indigné d'Adèle Haenel. "On ne part pas au milieu de la cérémonie parce que Polanski reçoit un prix ! Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est la règle du jeu", s'énervait-il, au lendemain de la remise de prix polémique. "Ça m'a choqué, j'ai trouvé qu'on était minables". Il condamne aussi la façon dont Florence Foresti n'a pas voulu prononcer le nom de Roman Polanski - l'appelant tour à tour "Roro", "Popol" ou "Atchoum" - et parle d'une "espèce de tribunal", d'un "lynchage public abominable" ou encore de "terrorisme" du "politiquement correct".
Des termes lourds de sens et surtout inappropriés dans ce contexte, que réutilise Olivier Carbone, avant de les supprimer quelques minutes plus tard. Autres phrases qui disparaissent au fil des corrections : "Tellement heureux que tu n'[aies] pas le César c'est d'ailleurs pour ça que tu as fait ta petite crise à deux balles idiote !", lance-t-il à Adèle Haenel. Puis s'en prend à nouveau à Florence Foresti : "Cette conne de Foresti, honteux, tu es trop mauvaise au cinéma on te veut pas", avant de lâcher un "Balance ta truie, balance ton porc", ainsi que "Vous êtes tous des grosses putes de vous comporter comme des hyènes sur Polanski !"
Problème pour celui qui pensait se débarrasser de ses premiers jets en éditant son statut : Facebook conserve un historique précieux des modifications que chacun peut consulter. Les internautes s'en sont d'ailleurs donnés à coeur joie, disséquant sa publication minute après minute et perçant à jour la violence et la misogynie du directeur de casting. "On fait taire les femmes, on punit les femmes de parler, et on ne s'en cache pas", lance l'une d'eux.
Avant de se ridiculiser sur les réseaux sociaux, Olivier Carbone était un directeur de casting connu des cinéastes et les comédien·nes. Il a notamment collaboré avec Quentin Tarantino sur Inglorious Basterds en 2009, ou avec Florent-Emilio Siri sur Cloclo en 2012. En 2010, Le Parisien réalisait son portrait, écrivant que "La discrétion, c'est vraiment le trait d'Olivier Carbone, l'un des directeurs de casting les plus prisés". Il est clair que les temps changent.
Un internaute a remarqué que plusieurs heures après ses premiers mots puants, Olivier Carbone avait totalement altéré son texte, le transformant en partage de l'intervention de Lambert Wilson sur les César. De son côté, Sand Van Roy, l'actrice qui accuse le réalisateur Luc Besson de l'avoir violée, a réagi : "J'ai eu 0 castings en France depuis que j'ai porté plainte et mon agent m'a laissé tomber", témoigne-t-elle. "Je suis fauchée. J'ai repris mes études mais je n'ose pas échanger avec les autres étudiants car quand on me cherche sur google on croit que je suis une menteuse et une pute".
Décidément, le milieu du cinéma français a bel et bien loupé le coche de #MeToo, comme le disait justement Adèle Haenel au New York Times.