A l'origine d'un très remarqué numéro de l'émission d'investigation Complément d'enquête dédié à Patrick Poivre d'Arvor ("PPDA : la chute d'un intouchable") et aux nombreuses accusations de viols et d'agressions sexuelles dont fait l'objet le présentateur du JT de TF1, le journaliste Romain Verley sort ce 8 février un livre sur le sujet : PPDA, le Prince noir.
Une enquête attendue en cette rentrée littéraire hivernale, mais pas forcément positivement. Certaines voix contestent effectivement déjà le travail d'enquête de l'auteur. Et pas des moindres : celles d'une dizaine de victimes présumées de PPDA. Ainsi, rapporte Le Parisien, l'une d'entre elles a saisi le tribunal de Paris- qui a rejeté sa demande ce 7 février- pour "atteinte à la vie privée". Ce dont la plaignante accuse l'auteur du livre ? Avoir rendu public son nom, ainsi que le récit détaillé de son viol. Récit puisant directement dans les extraits de son audition par la police en mars 2021. Et ce alors que le journaliste ne l'aurait jamais rencontrée ou demandé son accord.
Aujourd'hui, la plaignante, qui avait participé à l'émission de Médiapart réunissant autour d'un plateau vingt accusatrices de l'ancien présentateur de JT, exige donc la suppression des extraits concernés, "sous astreinte de 500 euros par jour de retard", comme le relate Le Parisien. Et ce "pour protéger sa vie privée et son entourage familial et professionnel".
Une dizaine d'autres accusatrices de "PPDA" ont apporté leur soutien à la plaignante. Parmi elles, la journaliste Hélène Devynck, qui a dédié un livre à sa douloureuse expérience : Impunité. Et elles reprochent également à l'auteur d'avoir relayé noir sur blanc le contenu de leurs auditions à la police sans les avoir contactées ou leur avoir demandé leur accord. Dans un email que Le Parisien a pu consulter, les victimes ont ainsi écrit à Romain Verley : "Vous vous êtes autorisé à relater nos histoires d'humiliations les plus intimes que certaines d'entre nous avaient choisi de réserver à la justice. Vous n'avez pas respecté notre volonté, rajoutant une nouvelle couche de violence à la violence. Ça n'apporte rien à la démonstration. C'est blessant".
"Je suis ni le porte-parole des plaignantes, ni l'avocat de PPDA. Je suis là pour donner des faits", s'est défendu Romain Verley, son éditrice Isabelle Saporta assurant de son côté : "Personne n'a été 'outé', car la femme dont on parle était sur le plateau de Mediapart. On ne divulgue pas des témoignages par voyeurisme, mais pour dénoncer un système. Je comprends leur douleur, mais c'est important de faire une enquête journalistique pour rapporter des faits étayés par une centaine de témoins et tenter de sortir de l'omerta".
Lors d'une autre interview accordée au "Parisien", Romain Verley explique avoir écrit ce livre de 375 pages car "il n'y avait que 30 % des infos" qu'il avait récoltées à propos de PPDA dans le numéro de Complètement d'enquête dédié au sujet. "Après la diffusion, le téléphone a beaucoup sonné. J'ai rencontré de nouvelles victimes, sonnées par le modus operandi si similaire à celui du jour de leur agression", affirme-t-il.
L'auteur précise également "échanger quotidiennement" avec une victime qui tient à rester anonyme. "Les plaignantes ont eu un courage immense pour sortir du bois", assure encore l'enquêteur. Déplorant enfin : "J'ai voulu évidemment donner la parole à PPDA, et à son clan. Je n'ai eu que des refus polis. Ils m'ont laissé travailler pendant un an et demi. Mais le dernier monstre sacré de la télévision, qui a régné pendant 30 ans sur la télé et aussi sur l'édition, a encore beaucoup d'aura dans le métier. Il y a une omerta très forte".