Ce 10 mai, Mediapart a proposé sur YouTube (et son site) une émission exceptionnelle présentée par Valentine Oberti et Mathieu Magnaudeix et consacrée à l'affaire PPDA. Pas moins de 20 accusatrices de l'ancienne vedette du journal de TF1 accusent le journaliste d'agressions sexuelles, de harcèlement et de viols - pour huit d'entre elles. Une première prise de parole publique pour certaines de ces victimes présumées.
Cette émission à revoir en replay ici a donné lieu à de nouveaux témoignages. Et notamment, de victimes présumées qui n'officient pas dans le journalisme. Comme Marie-Laure Eude-Delattre, conseillère d'entreprises, qui a expliqué : "J'ai été violée par Monsieur Patrick Poivre d'Arvor en 1985. J'avais 23 ans, et j'ai mis 36 ans à porter plainte". A l'époque, elle cherchait un stage sur la seconde chaîne. Le présentateur l'a invitée dans sa chambre d'hôtel.
"Il a fermé la porte à clé. Et là je l'ai vu nu comme un vers, qui se frottait sur le canapé. J'étais dans un état de sidération, je n'ai pas bougé. Je me souviens que j'étais allongée, qu'il m'a enlevé mon pantalon, ma culotte, qu'il est rentré. C'est tout ce qui s'est passé", raconte-t-elle sur le plateau. "Ce qui m'est arrivé, c'est un viol, juste un viol, quelque chose de monstrueux. Personne n'a voulu m'écouter", poursuit-elle.
Marie-Laure Eude-Delattre a eu l'impression d'être considérée comme "un bout de viande".
C'est aussi le cas de Margot Cauquil-Gleizes, enseignante, qui face aux caméras de Mediapart a pris la parole aux côtés de 19 autres victimes présumées : "Il m'a violée quand j'étais mineure, j'avais 17 ans, et il m'a agressée sexuellement à l'âge de 24 ans. C'est la première fois que je témoigne publiquement. Être ici aujourd'hui, à visage découvert, est une façon de lui dire que je n'ai pas peur et que je maintiens mon témoignage".
L'enseignante explique avoir rencontré une première fois PPDA dans le cadre d'un festival à Sète, après un premier échange épistolaire. Patrick Poivre d'Arvor l'aurait fait monter dans sa chambre d'hôtel, près de l'événement. Elle raconte : "J'étais très jeune, très naïve, flattée par l'intention qu'accordait monsieur Patrick Poivre d'Arvor à ma production écrite. Je ne me pose alors pas de questions, et je monte. Mais en ouvrant la porte, je constate que la chambre est petite. Inconsciemment, je m'attendais à une suite".
Margot Cauquil-Gleizes poursuit : "Je n'ai pas le temps de me poser des questions : il me fait rentrer, me bascule sur le lit, me déshabille, se déshabille... Et il me pénètre. Tout cela dure... cinq minutes, pas plus. Il prend une douche ensuite. Et me dit : 'On va sortir, j'ai des rendez-vous'. Et voilà. J'étais dans un état de sidération. Il m'a fallu énormément de temps pour que je comprenne que ces faits s'assimilaient à un viol par surprise. La police et la justice m'ont fait comprendre que ces faits pouvaient être qualifiés de viol. Mais j'ai culpabilisé".
"Il m'a fallu 37 ans pour ne plus être dans le déni par rapport à ce viol. Qu'on me dise : 'Si madame, vous avez été violée'. Durant ce temps j'ai continué à envoyer des productions écrites à Patrick Poivre d'Arvor. A 24 ans, je me suis manifestée auprès de lui pour lui demander un stage. Il m'a proposé d'assister à son JT", poursuit la plaignante. Suite à ce JT, PPDA aurait convié Margot Cauquil-Gleizes dans son bureau. Il aurait ensuite baissé son pantalon et sorti son sexe.
"Il a posé ses notes, fait le tour de son bureau, m'a dit : 'Je suis très content de vous revoir'. Il s'est assis, a ajouté : 'Ce journal était très difficile, je suis très stressé'. Alors, il a débraguetté son pantalon. Il a sorti son sexe et m'a dit : 'Voilà, j'ai besoin d'une petite gâterie'. J'ai réagi : 'Non monsieur, c'est hors de question, je ne suis pas là pour ça'. Il a insisté : 'Allez, juste une petite gâterie', avec une petite moue qui se voulait peut-être séductrice".
"Je lui ai répété : 'non'. Il a conclu : 'Et bien, dans ce cas-là mademoiselle, au revoir'. Je me suis sentie profondément humiliée et chosifiée. C'est un monsieur qui se sert", a achevé Margot Cauquil-Gleizes.
Les témoignages forts et accablants de ces 20 femmes ont été entendus dans un devoir d'information, mais aussi, comme l'ont soutenu les accusatrices, dans un même besoin : ne plus être seule face aux accusations de calomnie, se soutenir mutuellement entre victimes présumées, dans un même souci de sororité.
"Il n'y a rien de glorieux dans cette affaire. Il y a une seule chose qui est belle, c'est nous. C'est notre solidarité et c'est encore quelque chose que Patrick Poivre d'Arvor voudrait nous enlever", a ainsi déclaré la journaliste Hélène Devynck.
Des voix qui témoignent toutes d'un même modus operandi : des avances insistantes ou des agressions directes, brutales. Celles-ci peuvent rendre le témoignage d'autant plus difficile. "Je voulais être invisible, ne plus être vue, ne plus avoir de regard malfaisant qui se pose sur moi", affirme ainsi l'ancienne journaliste Justine Ducharne.
Des prises de parole qui ont engendré celle de l'ancien patron de TF1, Nonce Paolini. "La souffrance de ces femmes ne peut laisser indifférent. Evidemment, on ne le savait pas. Si on l'avait su, on aurait pris les dispositions qui s'imposaient. Ce n'est pas un système qu'il faut dénoncer. Il n'y a pas de système mais quelqu'un qui s'est comporté de façon odieuse avec des femmes dans différents contextes sans que personne ne puisse le savoir puisque ces femmes ne s'exprimaient pas", a déclaré ce dernier en réaction.
Cependant, parmi les 20 femmes qui se sont exprimées, certaines ont témoigné au moment des faits, mais sans être crues à l'époque. "J'ai été violée en 1993. Le pouvoir de Patrick Poivre d'Arvor était tel qu'on n'avait aucune chance de se faire entendre", explique en ce sens la journaliste Hélène Devynck à Médiapart.
Patrick Poivre d'Arvor a refusé de répondre à Mediapart. L'ancien présentateur du JT conteste les faits. Il fait l'objet de 23 témoignages, 8 plaintes, dont trois pour viols et quatre pour agressions sexuelles et harcèlement sexuel. Le 27 avril dernier, l'ex-star du JT a décidé de porter plainte pour "dénonciation calomnieuse" et "diffamation" avec constitution de partie civile auprès du tribunal de Nanterre contre 16 des 23 femmes qui l'accusent de harcèlement sexuel et de violences sexuelles.