Les dinosaures du rock seraient-ils transphobes ?
On est en droit de se poser la question suite aux dernières déclarations très remarquées de deux anciennes idoles du genre ces derniers jours : Alice Cooper et Carlos Santana, leader du groupe Santana.
Le premier a comparé la transition à "un effet de mode".
Et a précisé, auprès du média Stereogum : "il y a beaucoup de gens qui prétendent être ceci ou cela juste parce qu'ils veulent paraître d'une certaine manière. C'est très perturbant pour un enfant ou un ado. Vous essayez encore de trouver votre identité, et en même temps on vous dit : 'Oui, mais tu peux être ce que tu veux, tu peux être un chat si tu veux'...".
Le second, en plein concert à Atlanta City, a déclaré qu'être transgenre "n'était pas une bonne chose". Et a renchérit : "Nous savons qui nous sommes et ce que nous sommes. Une femme est une femme et un homme est un homme. C'est tout". Penser l'inverse, affirme le guitariste, "ce n'est pas bien". Et cela devrait "rester dans le placard". Au moins, les choses sont claires !
Et ces "opinions" - en vérité, des cas flagrants de transphobie - de rejoindre la liste des ex stars du rock contestant les droits des personnes trans, déjà bien malmenés et contestés, ces derniers mois...
Dans la liste des anciennes rockstars de renom, on pourrait également citer Paul Stanley, le leader à la langue interminable du groupe de hard rock Kiss. Ce dernier a simplement décrit en avril dernier la transition comme "une mode triste et dangereuse", l'espace d'un tweet très relayé. Ca n'a l'air de rien, mais Santana, Cooper et Stanley cumulent les poncifs sur le sujet.
On retrouve bien des "arguments" inhérents aux discours transphobes là-dedans. Tout d'abord, suggérer que tout cela n'est "qu'une mode", terme que connaissent bien les personnes LGBTQ en général. On sait que, source de craintes et d'incompréhension, l'attirance homosexuelle a souvent été considérée comme "un passage", quelque chose d'éphémère dans la vie d'une jeune personne, avant un retour à "la norme" - l'hétérosexualité.
Ensuite, et c'est la métaphore de Cooper, ironiser sur "l'identification à". C'est la traditionnelle et vaseuse blague du "Je m'identifie à un hélicoptère", que subissent également les personnes non-binaires - qui ne s'assignent à aucun genre en particulier, masculin ou féminin. Mépriser les convictions d'une personne en tournant à l'absurde ses discours, son parcours, ses droits les plus intimes. Remarque typique de boomer.
Le tout est évidemment mâtiné de panique morale : la transidentité serait forcément une chose dangereuse, quelque chose de "mal", qui se doit de susciter inquiétude et préoccupations. L'évocation de l'éducation est volontiers employée par Cooper pour parachever ce discours : la transidentité mettrait en péril les jeunes générations en bousculant repères, valeurs...
Légèrement réac pour une rockstar, non ?
Tous ces préjugés, ces idées, ces raccourcis, les personnes trans y sont habituées. Militante trans, Lexie l'explique dans nos pages : "Les préjugés concernant les personnes trans sont nombreux et très ancrés : il s'agirait d'un choix ou d'une dérive, voire d'une maladie, nous serions instables, chercherions avant tout l'attention, les transidentités seraient une nouveauté...".
"On entend aussi que les transitions sont des mutilations, que nous cherchons à "convertir" ou à "pervertir" les gens. Il existe enfin de nombreux clichés sexuels : les femmes trans seraient prédatrices, hypersexuelles, "filles faciles", précise la militante. On ne s'étonnerait pas de voir ces mots dans la bouche desdites stars. Mais comment expliquer cet état des lieux ?
Venant de stars sexa ou septuagénaires, on pourrait parler de choc des générations. D'être dépassé par rapport aux luttes majeures de son temps. Avec le lot de certitudes qui accompagne l'âge. On ressent surtout une peur, celle, d'autant plus forte lorsqu'on a défrayé la chronique par le passé, de se voir exclu d'une époque où l'on ne représente plus aucune forme de subversion. C'est également un phénomène culturel : il suffit de jeter un oeil au stand up anglophone, où les transgenres sont des cibles aussi constantes que faciles...
Toujours est-il que ces déclarations de la part d'artistes jadis sources de transgressions ont suscité des réactions immédiates.
L'une des marques pour lesquelles collabore Alice Cooper, Vampyre Cosmetics, a annoncé la fin de son contrat avec le rockeur de 75 ans, précisant sur les réseaux sociaux "être aux côtés de tous les membres de la communauté LGBTQIA+", relate PinkNews. Quant à Carlos Santana, il a présenté ses excusés auprès de "toutes les personnes qui auraient été offensées" et a affirmé "respecter les croyances (sic) de chacun".
En attendant la prochaine décla' scandaleuse ?