"Pas de seins nus à la plage ? Ça va pas mieux la gendarmerie. Avec ou sans tissus lâchez nous les miches !". Des réactions aussi colorées que celle-ci, Twitter en regorge depuis quelques jours. Le mot-clé général ? #Seinsnus. La raison de la colère ? Elle est simple. Le 20 août dernier, relate France 3, plusieurs femmes se seraient faites interpeller par deux gendarmes sur une plage de Sainte-Marie-la-mer, dans les Pyrénées-Orientales. D'abord, une femme d'une soixantaine d'années, puis d'autres encore. Ce que les forces de l'ordre leur demandaient ? De remettre leur haut de maillot de bain. En somme, de ne pas rester seins nus.
"Ils continuaient d'arpenter la plage pour demander aux unes et aux autres de remettre leur haut. J'étais tellement choquée de ce qui se passait sous mes yeux. C'est mon âme de féministe qui a parlé", témoigne une vacancière qui a assisté à la scène. Elle poursuit, indignée : "Je suis donc allée voir les gendarmes et leur ai demandé si pour eux, bronzer les seins nus était une atteinte à la pudeur. Ils m'ont demandé de circuler". Las, les forces de l'ordre ne lui prêtent guère attention et finissent par quitter la plage.
A l'origine de leur intervention ? L'alerte d'une famille. Des enfants auraient été "choqués" par la vision d'une femme topless... De quoi interloquer. Un internaute, d'ailleurs, le déplore : "Imagine, t'es avec tes gamins. L'un d'eux te dit naïvement: 'la dame on voit ses seins' et ton premier réflexe de parent est de dire: 'ah bah on va appeler la police alors' dans la tête du gamin ça fait 'les seins c'est mal'. Le rapport aux femmes après...".
Il semblerait qu'en 2020 encore, le topless dérange.
Alors qu'en vérité, la seule chose dérangeante là-dedans, c'est l'irrespect de son droit. Rappelons que rien dans la loi française n'interdit à une femme de bronzer seins nus sur une plage. Dans un tel cadre, le topless ne correspond en rien à un délit d'exhibition sexuelle. Cependant, comme le précise France 3, le règlement bien spécifique de certaines plages (comme Paris Plages) jugent "indécent" le port des strings et du monokini, port passible d'une amende - oui oui, encore aujourd'hui. Mais rien de tout cela à Sainte-Marie-la-mer.
On l'imagine, cet abus suscite donc les réactions les plus critiques. Comme celles des militantes féministes. En atteste ce commentaire piquant de Caroline De Haas, l'instigatrice du collectif Nous Toutes : "En France, des femmes demandent à la Gendarmerie de prendre leurs plaintes pour violences sexuelles plutôt que de venir les emmerder à la plage". Ouille. Féministe, l'indignation l'est, forcément. Car il n'est pas seulement question du droit de porter un haut ou de ne pas en porter, mais d'autres libertés, plus polémiques. Un internaute le suggère : "Une femme porte un burkini à la plage : les gendarmes lui demandent de se déshabiller. Une femme est seins nus à la plage : les gendarmes lui demandent de se rhabiller. Vous voyez toujours pas il est où le problème ?".
C'est dire si ce fait est moins "divers" qu'on ne pourrait le croire. D'autant plus que les femmes n'avaient (vraiment) pas besoin des gendarmes pour voir leurs droits être malmenés. L'an dernier, une enquête de l'Ifop insistait sur la baisse de hype de la pratique du topless. Les raisons ? La crainte du harcèlement, des remarques déplacées et des agressions sexuelles. Seules 22 % des Françaises osaient alors enlever leur haut l'été.
Les images vintage d'une Brigitte Bardot en sirène des plages ne font plus vraiment rêver quand la société sur-sexualise le corps des femmes. "Il y a cette peur que lorsque les hommes nous voient en topless, ils nous prennent pour des 'filles faciles' bien que je n'aime pas ce terme", nous expliquait dès lors Célia, jeune femme de 23 ans.
De terre de liberté, la plage serait devenue "un signe que la pression sexuelle qui s'exerce toute l'année sur les femmes continue en été", s'attristait le directeur de l'Ifop. Complexes physiques, crainte des réactions d'autrui, impression de vulnérabilité... Bien des éléments pèsent sur l'insouciant topless, de nouveau perçu comme subversif. Et ce ne sont pas les agissements des forces de l'ordre qui contrediront cette conclusion.
"J'ai toujours été pour toutes les libertés. J'ai toujours défendu le burkini envers et contre tout au nom de la tolérance. Et je défends les seins nus. Et si on fichait la paix aux femmes qui n'embêtent personne ?", s'indigne une internaute. Un idéal partagé par beaucoup. Une autre poursuit : "Pourquoi sexualiser les seins d'une fille ? [Les hommes ont] des tétons comme nous alors pourquoi ne pas les sexualiser aussi dans ce cas ? L'image de la femme nue est tabou à cause des normes de la société". Un constat qu'on aimerait voir ringardisé...