22 %. C'est le taux de Françaises qui déclarent enlever de manière "occasionnelle" leur haut l'été, sur la plage, nous révèle une étude de l'Institut français d'opinion publique mise en ligne le 24 juillet dernier et intitulée : les Françaises sont-elles plus pudiques que leurs voisines européennes dans l'espace public en été ? Un pourcentage plutôt maigre, l'on en conviendra. En tout, seulement quatre Françaises sur cent déclarent régulièrement enlever le haut, ajoute l'Ifop. Il n'en faut pas plus pour se rendre à l'évidence : le monokini est à l'agonie. Mais pourquoi donc ?
Faut-il voir là un excès de pudibonderie de la part des sondées ? Une crainte des coups de soleil et des risques qu'une trop forte exposition fait encourir à leur peau ? Une simple préoccupation sanitaire ? Pas seulement. Directeur du pôle actualité de l'Ifop, François Kraus explique à Franceinfo que cette situation est avant tout sociale, si l'on prend en compte les explications des femmes de moins de 25 ans interrogées par l'institut de sondage.
Car celles-ci ont peur, tout d'abord. Elles ont tendance à se couvrir la poitrine "par crainte d'attiser le désir des hommes et d'être l'objet d'agressions physiques ou sexuelles", explique le spécialiste. Mais aussi parce que la vision de leur corps les fait complexer. Elles culpabilisent "de ne pas répondre aux canons de beauté en vogue". Verdicts ? Primo, bien hâtifs sont celles et ceux qui ne résument la "génération Instagram" qu'à son prétendu "narcissisme" - en ignorant les nombreuses injonctions qui l'accablent, et ce jusqu'aux cocotiers des étés caniculaires. Deuxio, l'appréhension du harcèlement, loin de s'arrêter aux rues, se poursuit malheureusement jusqu'au sable chaud. Se couvrir la poitrine est devenu un réflexe sécuritaire.
La plage serait alors le reflet estival de la condition féminine. "Un signe que la pression sexuelle qui s'exerce toute l'année sur les femmes continue en été", explique le directeur, qui voit là un enjeu de genre : les femmes sondées sont à la fois plus gênées par le dévoilement des poitrines féminines et par celui des torses masculins que les hommes. Cela s'explique par le fait qu'elles ont "une socialisation de genre sur ces questions de pudeur qui est beaucoup plus forte que les hommes", en déduit François Kraus.
Le topless répond à une construction sociale : si le regard que l'on porte sur son corps est lourd, celui de la société, qui tend à le façonner, l'est d'autant plus.
Des décennies après l'état d'esprit libertaire des 70's, où le bronzage topless était synonyme de révolution (sexuelle), l'on pensait la pratique banalisée depuis longtemps. Mais il faut croire que non. L'Ifop parle carrément de "fracture générationnelle" et associe ces chiffres aux débats publics engendrés par les mouvements #balancetonporc et #MeeToo. Une observation plus étendue tend cependant à nuancer la chose. Car comme l'indique le sondage, 48 % des femmes espagnoles affirment pratiquer le bronzage seins nus. Soit une citoyenne sur deux ! En Allemagne non plus, le taux de partisanes du topless n'a rien d'anecdotique : 34 %. Malgré la menace des machos, le monokini n'a peut être pas dit son dernier mot.