Qui est assez fort(e) pour affronter la maladie de son enfant ?
Question rhétorique à laquelle personne n'aimerait répondre. C'est pourtant l'une des interrogations au coeur de Tout va bien, la nouvelle (mini)série télé française estampillée Disney +, fiction chorale - on y suit une famille entière - où chacun accumule les phobies et névroses : peur de la mort, peur de l'avion, phobie des hôpitaux, conflits conjugaux, peur de la dégénérescence physique, on en passe et des plus dramatiques. Pas super feel good.
Vous l'avez compris : le titre de cette création imaginée par Camille de Castelnau, la coscénariste du Bureau des légendes, est d'une redoutable ironie. Non, tout ne va pas VRAIMENT bien à l'écran. Ce qui se porte au mieux par contre, c'est la qualité de l'ensemble, et la justesse de ce qui s'y anime. Et surtout - c'est là que ça nous parle - sa force féministe !
On vous explique pourquoi binge watcher ces huit épisodes...
Tout va bien, c'est une série qui sans forcément ériger la chose en étendard va assumer une sensibilité féminine... Ou plutôt, féministe. Car Camille de Castelnau, qui manie aussi bien l'humour noir que l'émotion du mélo, convoque une suite de portraits de femmes : on retrouve la maman esseulée inquiète pour son enfant (Sara Giraudeau) et la belle mère constamment jugée par le regard d'autrui (Virginie Efira ) mais aussi la grand-mère (Nicole Garcia), redoutable gourou du développement personnel, en pleine introspection.
A travers tout cela, la showrunneuse aborde la révolution #MeToo - directement liée au personnage de Nicole Garcia... mais pas vraiment dans le sens où l'on pourrait le croire - ainsi que la fameuse charge maternelle (ces pressions considérables liées à au "devoir" fantasmé des mères) mais également l'adultère, la crise conjugale, ou encore, la vulnérabilité quand on est un mec... Des enjeux très générationnels en fait.
On retiendra notamment et comme souvent le personnage de la Césarisée Virginie Efira, qui comme dans le bouleversant Les enfants des autres interprète de nouveau une belle maman, et dont l'attitude et le quotidien chaotique assurent à la série un doux mix d'énergie, de sensibilité et de mélancolie. Quelque chose de très politique aussi, car sa légitimité semble sans cesse remise en question. A l'instar de celle de bien des femmes !
Si les hommes existent (Aliocha Schneider, Bernard Le Coq) Tout va bien captive avant tout par sa manière de lier une ribambelle de thématiques diffuses (la parentalité, les relations amoureuses, le bonheur, la névrose) à la condition féminine, comme si à travers cette dernière tout s'exacerbait.
C'est naturellement le cas.
"Je ne me suis pas dit : je vais faire une série sur les femmes, pour les femmes. Il se trouve que c'est finalement comme ça que ça s'est passé. Nous les femmes, et nous les mères, sommes très concernées par les angoisses", détaille Camille de Castelnau à nos confrères de Purebreak. Parmi ces angoisses, un sujet si peu exploré : la dictature du bien être, notamment incarné par les bouquins et formations en développement personnel.
Ou, ce que l'autrice Eva Illouz intitule "l'happycratie". Vous savez, cette philosophie en forme de post Insta qui vous incite fortement à conserver la "positive attitude" et à "surmonter les épreuves" quitte à sortir de votre "zone de confort". Si cette dernière phrase vous donne envie de casser des chaises, Tout va bien devrait faire office de merveilleux exutoire. C'est malin, bien écrit, piquant, et surtout : très humain. D'une tendresse qui ne dit pas son nom.
Car derrière ce titre pas si cynique qu'on pourrait le croire, cette minisérie célèbre surtout une sorte d'union où le soutien se trouve à travers la complexité, le trouble, la fragilité. Comme dans la vie.