Ce soir, le bouleversant Les enfants des autres repasse sur Canal +, à 22h40 précisément. L'histoire est simple : c'est celle de Rachel, quadragénaire sans enfant qui un jour va rencontrer Ali, père d'une petite fille. Les deux tombent éperdument amoureux. Mais notre héroïne parviendra-t-elle à partager jusqu'au bout le quotidien de cette famille déjà bâtie ? Comment y parvenir lorsqu'on est "seulement" une belle-mère ?
Les enfants des autres propose une histoire, mais une émotion complexe. Et c'est une séance de rattrapage immanquable. Mais pourquoi donc ?
On vous file quatre bonnes raisons.
A l'instar de Laure Calamy, Virginie Efira fait partie de ses actrices hexagonales presque épuisantes par leur propension à tout pouvoir incarner. C'est rageant autant de talent non ? Les deux actrices partagent d'ailleurs un même amour pour le comique déluré, comme pour le drame plus intimiste. Et pourquoi pas, la faculté à lier les deux de manière détonante - voir l'étonnant Victoria de Justine Triet pour mieux s'en convaincre.
Si Virginie Efira a été Césarisée en février dernier pour son rôle dans Revoir Paris d'Anna Winocour, sa partition dans Les enfants des autres s'avère encore plus fine, subtile, intériorisée. Ici, pas de grand drame, si ce n'est la crainte légitime éprouvée par notre protagoniste : celle d'être exclue, jamais tout à fait "installée" au sein de la famille de son compagnon, ni au sein du couple d'ailleurs. Peur des plus banales, mais à laquelle l'actrice confère toute sa force, en enrichissant son jeu... D'une profonde vulnérabilité.
Oui, c'est un joli paradoxe.
Les enfants des autres prend à bras le corps un sujet loin d'être représenté à fond dans le cinéma, hormis au sein des comédies les moins inspirées : les belles-mères. Et si on s'émancipait des clichés habituels, faits de blagues de beaufs, de mégères de contes de fées, de scénarios convenus et sexistes ? Et si on creusait l'humanité, les affects et sentiments contraires de ce qui représente une partie de la condition féminine ?
C'est ce que fait le film, simplement, naturellement, sans forcer le trait ni l'émotion. Du coup, l'oeuvre en devient politique, spontanément féministe par son désir de trouver la note juste et le bon regard. Autre preuve : la rôle de Chiara Mastroianni, en maman qui, loin d'être rivale, va partager avec la nouvelle compagne de son ex une forme certaine de sororité.
Vous connaissez peut-être Rebecca Zlotowski pour son implication au sein du collectif 50/50 (aux côtés de cinéastes comme Céline Sciamma), ou pour Une fille facile, summer-movie centré autour du personnage sulfureux de Zahia. Un film (dispo sur Netflix) qui lui permettait d'aborder le slut-shaming, le féminisme pro sexe et le sexisme subi par les femmes à la sexualité décomplexée tout en mettant en scène, justement, une sensualité assumée.
Cette sensualité, on la retrouve dans Les enfants des autres, où Rebecca Zlotowski cherche à nous faire ressentir le bien être de son personnage jusque dans ses instants d'impudeur, l'authenticité des scènes d'amour et de complicité partagées avec son mec (Roschdy Zem). Ca vit, dans ce cinéma-là.
Au fur et à mesure du métrage d'ailleurs, la réalisatrice va étendre doucement la durée de ses plans. En nous rattachant aux bribes de vie de son héroïne, même les plus intimes, comme à son visage, son souffle, ses expressions, ses ressentis, elle nous la rend d'autant plus présente, proche de nous, attachante.
Oui, bon, on pourrait insister mille ans sur la précision du regard de Rebecca Zlotowski, qui délivre là son plus beau film, et l'implication de Virginie Efira, mais allons droit au but quitte à vous prendre par les sentiments : Les enfants des autres fait chialer. Comme les meilleurs mélos hollywoodiens, l'art de la nuance du cinéma hexagonal en plus.
Lors des scènes que notre protagoniste partage avec la fille de son conjoint, par exemple, au sein desquelles nous assistons à la naissance d'une relation, et d'un regard maternel. Ou encore l'espace d'une scène finale conférant d'autant plus de sens au titre du film, comme à la caractérisation de ce personnage féminin forcément poignant. On ne vous en dit pas plus, on vous laisse découvrir. Et sortir les mouchoirs, fatalement.