Essena O'Neill est une jeune Australienne de 19 ans qui avait, semble-t-il, tout pour elle. Des centaines de milliers de followers suivaient tous ses faits et gestes sur Instagram, sautant sur la moindre occasion pour liker et commenter ses clichés dégoulinants de perfection, une chaîne YouTube qui cartonnait - bref, elle faisait partie des ces jeunes qui semblaient avoir trouvé comment tirer profit du partage de leur quotidien.
Mais il y a quelques jours, elle a décidé de tout plaquer. Elle a supprimé plus de 2000 photos sur son compte Instagram et a édité celles qui étaient encore en ligne pour contextualiser chaque instant immortalisé. Car toutes ces photos, qui donnaient l'impression de voir une jeune femme belle et talentueuse passer des moments géniaux dans des cadres de rêve, cachaient un secret : elles n'ont rien d'authentique ni de spontané et leur seul but était d'apporter plus d'argent et plus de followers à Essena.
Pourquoi choisir d'abandonner un mode de vie qui semblait pourtant lui apporter ce que des millions d'adolescents rêvent seulement de toucher du bout du doigt ?
Parce que malgré tout ça, malgré les apparences, malgré l'argent, les contrat de mannequinat et les voyages, Essena n'était pas heureuse. Alors quitte à tourner le dos à sa carrière et aux avantages financiers qui venaient avec, elle a décidé de marquer le coup. Elle a commencé par annoncer sa décision de quitter tous les réseaux sociaux où on pouvait la trouver à l'aide de quelques photos sur Instagram, histoire de prévenir ses 700 000 followers qu'elle allait mettre fin à la routine à laquelle elle les avaient habitués.
Pour appuyer ses propos, elle a ensuite poster une vidéo de presque vingt minutes sur YouTube dans laquelle elle raconte son parcours puis les raisons pour lesquelles elle a décidé d'y mettre fin, à presque 19 ans.
Si elle décide de quitter les réseaux sociaux aujourd'hui, c'est pour celle qu'elle était à 12 ans.
"J'ai quitté les réseaux sociaux pour mon moi de 12 ans. Je veux que tout le monde le sache. À 12 ans, j'étais malheureuse à cause de chiffres que je voyais sur un écran et à 18 ans... j'étais malheureuse aussi, alors que j'avais tout.
J'ai rencontré des gens bien plus prospères que moi en ligne et ils sont tout aussi malheureux et seuls et terrifiés et perdus. Nous le sommes tous.
À 12 ans, je pensais n'avoir aucune valeur et là - à presque 19 ans - avec tous ces followers, je ne sais même pas ce qui est réel et ce qui ne l'est pas parce que j'ai laissé cette chose irréelle me définir."
Pour illustrer son propos, elle a donc raconté ce que les marques qui la contactaient lui demandant comment tenir le produit, à quel endroit le mettre s'il devait juste apparaître en arrière plan, comment le mettre en valeur, quels mots utiliser dans la description...
Tout ce travail pour réaliser des clichés qui devaient sembler un minimum spontanés et naturels, alors qu'il y avait parfois des heures de travail en amont pour les préparer et s'assurer qu'ils soient absolument parfaits (tant pour le produit que pour représenter Essena qui était obsédée à l'idée de paraître parfaite sur chaque photo, quitte à les recommencer des dizaines et des dizaines de fois).
"CE N'EST PAS LA VRAIE VIE - Je n'ai pas payé pour cette robe, j'ai pris un nombre incalculable de photos pour être belle pour Instagram, cette tenue trop habillée m'a fait me sentir incroyablement seule."
"J'ai été payée 400$ pour poster cette robe. C'était quand j'avais environ 150 000 followers, mais avec un demi-million de followers, je connais beaucoup de marques en ligne (avec de gros budgets) qui payent jusqu'à 2000$ par post. Il n'y a rien de mal à accepter des deals avec des marques, je pense juste que ça devrait être dit."
Essena estime avoir perdu des années précieuses de sa vie à ne vivre qu'à travers un écran et un nombre de followers. Toutes ces expériences qu'elle semble avoir vécues selon son feed Instagram ont en réalité été principalement vécues à travers son écran de téléphone avec des objectifs bien précis en tête. Résultat, elle n'a profité de rien, emmagasiné très peu de souvenirs et se sent, aujourd'hui, bien vide.
C'est pour ça qu'elle encourage les gens qui la suivaient à se concentrer sur la vraie vie et à oublier la course aux followers. À sortir de chez eux, de leur environnement familier, à parler à des gens, à trouver n'importe quel prétexte pour côtoyer d'autres personnes et se créer des expériences de vie.
Pour l'instant, son compte Instagram est toujours actif mais ne sert qu'à poster de longues diatribes sur le sujet, pour mettre en garde ses followers contre les apparences et les encourager à voir au-delà des chiffres - tout en faisant la promo de son nouveau site, letsbegamechangers.com, sur lequel elle a déjà posté plusieurs vidéos sur le même sujet. Submergée par l'émotion suscitée par les réactions positives générées par ses messages et les dizaines de médias internationaux qui relayent son histoire, Essena se confie, en larmes, pour faire éclater sa joie et son soulagement.
Elle encourage également ceux qui souhaitent la soutenir à lui faire des dons, puisqu'elle n'a plus de sources de revenus depuis qu'elle a quitté les réseaux sociaux.
Donc, techniquement, elle n'a pas vraiment quitté les réseaux sociaux. Elle continue d'être très active sur différents réseaux, notamment en vidéo, pour tenter de donner un sens nouveau à sa vie et à sa notoriété. Elle a quitté le business qui se cache derrière les réseaux sociaux et tient à faire éclater la vérité pour que les jeunes femmes qui, comme elle, croient encore que le bonheur se trouve dans le nombre de followers et les selfies mis en scène, réalisent à quel point elles se trompe et à quel point ce chemin est tortueux, semé d'embuches, de mensonges et de solitude.
Elle promet également de ne jamais faire de posts sponsorisés et payés sur ce nouveau site ou dans ces vidéos, et de ne parler que de produits qu'elle utilise réellement et qu'elle s'est procuré elle-même.