En Ouganda, les droits de l'homme ne cessent de reculer. Alors que les relations homosexuelles étaient déjà passibles de la prison à vie, Yoweri Museveni, le président de ce pays d'Afrique de l'Est, a promulgué lundi de nouvelles mesures drastiques et homophobes. La nouvelle législation oblige désormais la délation de quiconque se déclarant homosexuel, et prohibe la « promotion » de l'homosexualité. Pire encore, au lendemain de cette atteinte aux droits de la communauté LGBT ougandaise un quotidien du pays publiait un palmarès des citoyens prétendument gays. « Découvert ! » titrait en effet fièrement le tabloïd Red Pepper ce mardi. Connu pour répandre des ragots, le journal se vantait en sous-titre d'avoir « identifié » les « 200 principaux homos d'Ouganda », allant jusqu'à publier en Une le portrait d'un responsable d'une association de défense des minorités sexuelles, d'un prêtre catholique populaire, d'une rappeuse renommée et d'une militante connue de la cause gay Jacqueline Kasha. Or, parmi les personnalités citées, certaines n'ont jamais fait leur coming out.
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« La chasse aux sorcières médiatique est de retour », a immédiatement réagi sur Twitter la célèbre activiste, dont le nom avait déjà été publié en octobre 2011 dans un autre tabloïd local, Rolling Stone, au côté de celui de 100 autres prétendus homosexuels. À l'époque, Jacqueline Kasha, soutenu par David Kato – figure gay de la cause homosexuelle ougandaise – avait réussi à faire condamner le journal. Mais malgré le retrait de la publication des kiosques, David Kato avait été assassiné quelques mois plus tard.
#AHBUganda: The media witch hunt is back. 200 Top Homos exposed in redpepper pic.Twitter.com/sbofQxvSyM
— Kasha Jacqueline (@KashaJacqueline) 25 Février 2014
Aussi, dire que le durcissement de la loi couplée à la Une de Red Pepper met en danger la vie de centaines de citoyens est un euphémisme. « Le président Museveni vient d'accrocher une cible sur le dos de chaque personne gsay et lesbienne en Ouganda et soumettre tous les citoyens ougandais au risque de chantage et fausses attaques », a d'ailleurs déploré Andre Banks, directeur exécutif et co-fondateur de All Out, un mouvement « pour l'amour et l'égalité » qui revendique près de deux millions de membres dans Le monde. « Le monde ne peut rester silencieux tandis que le gouvernement ougandais déclare la guerre à ses citoyens gays, lesbiennes, bi et trans, en totale contradiction avec sa propre Constitution et les assurances données à la communauté internationale », a-t-il encore fustigé.
Loin de rester silencieuse, la communauté internationale a d'ores et déjà condamné la signature de ce projet de loi. Le secrétaire d'État américain John Kerry a ainsi estimé que cette décision marquait « un jour tragique pour l'Ouganda et pour tous ceux qui se soucient de la cause des droits de l'homme ». Les États-Unis ont en outre assuré être en train de réexaminer les aides accordés à ce pays partenaire. Anders Borg, le ministre suédois des Finances, a quant à lui qualifié la loi de « législation inacceptable » et de « sérieux problème ». Enfin, les Pays-Bas, la Norvège et le Danemark ont eux annoncé leur intention de suspendre certaines de leurs aides financières à l'Ouganda. Pour autant, pas sûr que ces menaces suffisent à déstabiliser le président Museveni. Sur CNN, ce chrétien évangélique à la piété revendiquée a campé sur ses positions, justifiant sa décision par le fait que les homosexuels ne l'étaient pas « de nature » mais par choix. « On m'a dit récemment que ce qu'ils faisaient était terrible, dégoûtant. Mais j'étais prêt à ne pas en tenir compte si j'avais eu la preuve qu'ils sont nés ainsi, anormaux. Mais cette preuve n'existe pas », a-t-il affirmé.
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