Monde
Au Venezuela, les femmes sont forcées de vendre leurs cheveux pour se nourrir
Publié le 23 décembre 2016 à 12:37
Par Hélène Musca | Rédacteur
Alors que le Venezuela est secoué depuis plus d'un an par une crise économique majeure qui plonge la population dans la détresse, les femmes s'organisent pour faire face à la misère en vendant leurs cheveux. Mais c'est un trafic alarmant, qui laisse présager le pire pour ces femmes démunies qui doivent nourrir leurs familles.
Au Venezuela, les femmes sont forcées de vendre leurs cheveux pour se nourrir Au Venezuela, les femmes sont forcées de vendre leurs cheveux pour se nourrir© Getty Images
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L'abîme semble sans fin pour le Venezuela, qui s'enfonce depuis un an dans une crise économique sans précédent. L'économie de ce grand producteur de pétrole, qui reposait entièrement sur l'or noir, est en chute libre depuis l'effondrement des cours du brut, et le pays tout entier courbe l'échine face à une inflation galopante et les pénuries à répétition.

La récession plonge les habitants dans une misère des plus alarmantes : se nourrir est une épreuve quotidienne, sans même parler des soins médicaux, qui sont devenus un véritable luxe que peu peuvent encore s'offrir. Face à ce cul-de-sac, les femmes vénézuéliennes ont trouvé une solution pour survivre : elles vendent leurs cheveux pour pouvoir se procurer des produits de première nécessité. Retour sur un trafic très préoccupant, qui révèle le désespoir et la précarité dans lesquels vit la population.

Quelques mèches de cheveux pour l'équivalent de 20 euros
Des rayons vides dans un supermarché du Venezuela : les pénuries et l'inflation poussent les femmes à vendre leurs cheveux © Getty Images

Au Venezuela, un sac de riz coûte actuellement l'équivalent de dix mois de salaire : entre l'inflation et les pénuries quotidiennes de produits de première nécessité, trouver de quoi manger est une victoire qui se fait rare. La population en est réduite à errer dans les rues toute la journée pour fouiller les poubelles, ou à voyager chaque jour jusqu'en Colombie pour acheter des denrées alimentaires. Et alors que le pays tout entier est gangrené par une crise économique qui s'installe et se mue en naufrage politique, les habitants commencent à prendre des mesures radicales pour s'en sortir. C'est notamment le cas des femmes, qui se sont massivement mises à vendre leurs cheveux afin de subvenir aux besoins de leurs familles.

Ainsi, comme le rapporte The Guardian, plus de 200 femmes traversent tous les jours le pont reliant San Antonio (au Venezuela) à la ville de La Parada (Colombie) pour sacrifier leurs chevelures contre quelques pesos. Des dizaines de rabatteurs de rue les attendent sur le pont, en criant "On achète des cheveux !". Ils évaluent d'abord la qualité des cheveux des femmes : le prix varie en fonction de la qualité, de la couleur et de la longueur des cheveux, ainsi que le fait qu'ils soient naturels ou colorés. Si elles acceptent le prix offert, ils leur coupent ensuite les cheveux dans des salons de coiffure informels, installés sur le trottoir devant les boutiques : elles peuvent choisir de couper seulement quelques mèches ou bien l'intégralité de leur chevelure. Les cheveux prélevés seront ensuite acheminés clandestinement jusqu'au centre du pays et utilisés comme extensions dans des usines de perruques en Colombie.

Pour des cheveux mi-longs ou longs coupés courts, une femme touche environ 60 000 euros (environ 20 euros) : actuellement, au Venezuela, c'est l'équivalent d'un mois du salaire moyen. Cet argent supplémentaire leur permet d'acheter des produits de première nécessité, comme de la nourriture, des couches ou quelques médicaments. Celina Gomalez, 45 ans, a fait la queue pendant une heure pour pouvoir échanger ses mèches brunes contre un peu de monnaie. Elle n'a pas dit à sa famille qu'elle allait vendre ses cheveux, mais elle en avait besoin pour pouvoir se soigner : "Je souffre d'arthrite et j'ai besoin d'acheter des médicaments. ça ne sera pas suffisamment mais ça me permettra au moins d'acheter des antidouleurs", confie-t-elle à The Guardian. Les Vénézuéliennes viennent aussi souvent avec leurs filles, afin de vendre aussi leurs cheveux pour gagner un peu plus : elles vont ensuite directement acheter de la nourriture en Colombie pour les faire manger.

Un trafic qui met les femmes en danger
Trafic de cheveux : les femmes du Venezuela vendent leurs mèches pour pouvoir acheter des produits de première nécessité © Getty Images

Ce trafic de cheveux, même s'il est insolite, ne prête pourtant pas à rire. Il est même très alarmant, car il témoigne du désespoir des femmes et des mères de famille, réduites à des moyens extrêmes pour survivre. C'est le signe d'une population totalement démunie, forcée de se tourner vers d'autres solutions, même les plus dégradantes, pour manger. Et c'est une pente dangereuse, comme le souligne Nestor Solano, le coordinateur général du mouvement "Voluntario Tachirense por el Cambio" (qui rassemble des activistes opposés au président vénézuélien Nicolas Maduro, le successeur socialiste de Chalvez depuis 2013) et observateur au Venezuela pour France 24. Il explique au média français que ce trafic frontalier a commencé avec des téléviseurs : au départ, les femmes passaient la frontière pour revendre leurs objets de valeur dans les villes colombiennes.

Mais aujourd'hui, à court de ressources, c'est à leurs cheveux qu'elles ont dû renoncer : la misère les pousse à aller de plus en plus loin, et malheureusement, le commerce de cheveux retentit comme un signal d'alarme car c'est un premier pas vers des trafics de corps autrement plus graves."On touche à quelque chose qui appartient au physique, c'est choquant pour plusieurs raisons. D'abord parce que devoir vendre ses cheveux pour manger, c'est dégradant et humiliant. Ensuite, parce que c'est le premier pas vers des trafics qui pourraient s'avérer beaucoup plus dangereux. Quand ces femmes n'auront plus de cheveux, ni de téléviseurs, que vont-elles vendre ? Des organes ?", s'inquiète Solanole dans un article de France 24.

Avec ce trafic de cheveux, banalisé et organisé de manière très efficace et à grande échelle, c'est une véritable contrebande qui est en train de s'organiser autour du corps des femmes. Et dans un pays qui vacille et s'englue dans la misère, cela ne présage rien de bon. Prostitution, trafic d'organes... Il va être difficile de les protéger des vautours qui les guettent et profitent de la crise du Venezuela pour s'enrichir.

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