On connaissait le "hygge", l'art de vivre danois qui a révolutionné notre définition du cocooning, ou le "lagom", littéralement "juste ce qu'il faut", un état d'esprit suédois qui prône le minimalisme et s'avérerait ultra-satisfaisant. Voici désormais le "mys", ou l'antidote au blues de l'hiver venu tout droit du cercle polaire.
De quoi s'agit-il, précisément ? D'après la créatrice de tissu locale Malin Lindqvist, d'une "sensation de chaleur qu'on éprouve quand on est emmitouflé·e dans un plaid en laine, près de bougies allumées, et qu'on sirote une tasse de thé bien chaud avec un chat qui ronronne sur nos genoux", décrit-elle auprès du quotidien suédois Dagens Nyheter, qui se penchait sur sa popularité croissante en décembre dernier. On s'y croirait. Et à en croire le New York Times, on est loin d'être les seul·e·s.
Dans un papier qui abordait au même moment l'enthousiasme des Américain·e·s pour l'expression, intitulé Danish Hygge Is So Last Year. Say Hello to Swedish Mys, la publication est arrivée à une conclusion sans appel : l'essayer c'est l'adopter, puisque son but n'est autre, que d'accroître le bien-être de celles et ceux qui le pratiquent. Et à ce sujet, ses adeptes sont de plus en plus nombreux·ses, et de plus en plus éloigné·e·s de l'origine géographique du concept.
Pour cause, s'il était d'abord destiné à permettre aux Scandinaves de garder le moral malgré 24 heures de nuit quasi noire, le "mys" serait aussi d'une aide considérable en plein Covid. On vous explique.
"Mys" vient de "fredagsmys", et signifie "vendredi confortable". Cette notion, à en croire le Daily Mail qui décrypte à son tour le terme, encourage le ralentissement, la détente et la dégustation d'aliments délicieux. Il invite à se "réconforter et à s'éloigner du monde extérieur stressant", interprète le média britannique. Rien qui ne nous ferait pas rêver à l'instant t, alors qu'on enchaîne péniblement journées de télétravail interminables et pour les cumulard·e·s : garde d'enfants.
Projetez-vous. Nous sommes à la fin de la semaine, l'ordinateur s'éteint. Plus de mails, plus de contraintes, plus d'obligations. Pour les deux jours à venir, on vit au rythme de nos envies, de celle de notre famille. On est à l'aube d'une pause bien méritée et savoir que tout ce temps libre nous attend rend notre soirée d'autant plus jouissive.
Mais voilà, si jadis, on aurait saisi l'occasion pour sortir jusqu'au bout de la nuit, aujourd'hui, le contexte sanitaire, comme notre état d'esprit avide de déconnexion, nous guide vers d'autres plaisirs : ceux de savourer un moment calme, et surtout, de mettre de côté notre réflexe nocif et chronophage de scroller à l'infini sur les réseaux sociaux pour se concentrer sur le présent. Et in fine, aller mieux.
Pour les Suédois·e·s, c'est ça, le mys. La croyance inébranlable (on exagère à peine) que le vendredi est destiné à se détendre sans être parasité·e par des contenus extérieurs culpabilisants. Une parenthèse à passer solo ou à plusieurs, entre proches, et accessoirement en organisant un "festival de malbouffe", comme le formule habilement The Culture Trip. Pizzas, burgers, frites, cordons bleus... C'est à ce qui nous rendra le plus heureux·se. Tant qu'on les savoure confortablement installé·e sur le canapé, plaid ramené jusqu'au menton, cerveau au repos et sourire jusqu'aux oreilles.
"Le concept consiste essentiellement à regarder la télévision en mangeant de la bonne nourriture", résume le magazine culturel. Ou plutôt "la jubilation et l'absence de culpabilité d'avoir besoin de temps pour se ressourcer et mater des émissions pourries avec une glace à la main". Jouissif, on vous dit. Le mys est une attitude, quelque chose à attendre avec impatience et un moyen de survivre aux longues soirées d'hiver... Comme au Covid.
Par les temps qui courent, l'ingrédient social inhérent au principe semble certes peu adapté, mais l'efficacité de la philosophie nordique reste tout à fait salutaire. Car aussi agréable semble-t-elle, elle est avant tout une "stratégie de survie" face aux éléments redoutables de la saison glaciale et à ses conséquences, insiste le Dagens Nyheter. On liste notamment un isolement difficile et un blues coriace qui en résulte fréquemment. Des notions familières ? Et comment.
VisitSweden, l'institution de tourisme locale, a même confirmé auprès du journal l'intérêt grandissant pour le terme depuis mars 2020. "Je pense que c'est un effet du coronavirus", analyse à juste titre son porte-parole. "Le mys consiste à se pelotonner chez soi, comme on l'a fait au fil de la pandémie, et comme on le fait aussi à l'arrivée de l'hiver".
Cocooner pour lutter contre la déprime liées aux restrictions sanitaires ou cocooner pour relativiser des mois sans lumière : même combat. Tellement d'ailleurs, que VisitSweden entend capitaliser sur la notion pour attirer les touristes en mal de réconfort, nous apprend Courrier International. Une approche qui, on l'admet volontiers, nous donne envie de faire nos bagages sans tarder. Frustrant en pleine interdiction de déplacement.
Alors, en attendant que les frontières rouvrent, on se réconfortera dans la pratique à distance. Et on vous encourage grandement à nous copier.