Selon une enquête 2014 de l'Institut national d'études démographiques, 5% des Français·es choisissent de ne pas avoir d'enfant. Un choix de vie à contre-courant qui s'inscrit dans la longue liste des tabous qui entourent notre société.
Amélie, 32 ans, originaire de Coulommiers ne souhaite pas avoir d'enfant. Elle et son conjoint subissent régulièrement des jugements de la part de leur entourage : commentaires insistants de membres de leur famille, regards perplexes de leurs collègues de travail... et parfois même d'inconnu·es croisé·es dans une salle de sport. Témoignage.
"Je suis en couple depuis 12 ans. Notre décision de ne pas avoir d'enfant est mûrement réfléchie. Plus on y pense, et plus on est sûr·es de nous. Il y a vraiment une incompréhension de la part de notre entourage. C'est quelque chose de très mal perçu, on nous pose des questions en permanence. La première c'est 'pourquoi ?'. On nous dit aussi souvent qu'on va changer d'avis, qu'on a encore le temps...
Avec le temps, on a l'impression que la question 'pourquoi vous n'avez pas d'enfant ?' sous-entend systématiquement un jugement. Peut-être parce qu'on l'entend de plus en plus, et que du coup on se braque. Je ne sais pas trop.
Mon compagnon aussi a le droit à ce genre de remarque quand nous ne sommes pas ensemble, mais je pense quand même que ça reste mieux perçu. Par exemple quand il est au travail, ses collègues masculins lui posent moins la question, ou alors semblent mieux le comprendre. J'ai l'impression que c'est plus difficile entre les femmes.
Nos amis aussi peuvent comprendre, même si le sujet revient souvent sur le tapis. Mais la pression vient surtout de la famille. Ma belle-famille tout particulièrement.
Pas plus tard que cette semaine, on a demandé aux parents de mon conjoint ce qu'ils voulaient pour Noël. Leur réponse : 'un vrai bébé !'. Moi, je leur ai précisé que le Père Noël n'existait pas. Mon copain leur a dit qu'on aimerait recevoir un préservatif et un stérilet en cadeau, histoire de bien confirmer ma réponse !
Le problème, c'est que quand on explique pourquoi on ne veut pas avoir d'enfant, on a sans cesse l'impression de devoir se justifier. Du coup, on demande souvent en retour aux parents pourquoi, eux, ils en ont fait. Et ils nous répondent : 'parce que c'est normal d'avoir des enfants'.
Sous-entendu : ce n'est pas normal de ne pas en avoir. Un jour, mon propre père m'a carrément dit : 'La femme est faite pour avoir des enfants.' Alors on explique que nous n'avons pas envie de donner la vie, tout simplement. Qu'on n'en ressent pas le besoin, et que surtout, on estime que c'est trop de contraintes.
On a déjà croisé des parents qui semblent regretter d'avoir fait des enfants. Récemment on était dans un marché de Noël, et deux papas nous ont dit : 'C'est dans ce moments-là qu'on se demande pourquoi on a fait des enfants.' Je pense que si on n'avait pas mis la pression à certain·es pour avoir des enfants, il y aurait peut-être moins de parents.
En août dernier, j'ai changé de travail. La première question que mes collègues m'ont posée était de savoir si j'avais des enfants. C'est bien d'apprendre à se connaître, je suis d'accord, mais pourquoi tout de suite axer la conversation sur les enfants ?
Un jour, en entretien d'embauche, j'ai précisé que je n'avais pas d'enfant car je savais que comme j'avais 30 ans, c'était une question que mon employeur se posait sûrement, même s'il n'a pas le droit de le faire. Mais je ne suis pas certaine qu'il m'ait crue. J'ai souvent entendu que j'étais 'bizarre', 'pas normale' ou encore que 'j'avais menti pour avoir le poste'.
Avec nos ami·es qui sont parents, la conversation tourne souvent autour des enfants. Du coup, on essaie aussi de changer de sujet. Après, évidemment, on aime bien les enfants : on a des neveux, des filleuls...
Ceux qui nous connaissent le savent, mais les autres le pensent peut-être ou peuvent même faire la remarque : quand on discute avec des gens qu'on ne connaît pas, à la salle de sport par exemple. Du coup, nous nous sentons obligé·es de préciser qu'on ne veut pas d'enfants, mais qu'on les aime bien !
Avec mon conjoint, on en parle souvent, parce que c'est une décision qui se prend à deux. L'un comme l'autre, on ne veut pas que l'un des deux regrette. Le sujet revient au moins une fois par an, parce que nous voulons être sûr·es que nous sommes d'accord tous·te les deux.
Nous les premier·es, on se dit que peut-être demain on en voudra, parce qu'on ne sait jamais vraiment de quoi la vie est faite. Mais une chose est sûre : plus le temps passe, plus on se conforte dans notre décision. Un enfant, ce n'est pas un jouet, pas une décision que l'on prend à la légère ou pour les autres : ce n'est pas à notre entourage de choisir si on en fait un ou pas.
Ces derniers temps, les réflexions des autres s'accumulent. Heureusement, je lis beaucoup de témoignages sur internet de personnes qui sont dans la même situation et ça me réconforte. Je me dis que je ne suis pas seule. Après, je ne pense pas du tout qu'il ne faut pas faire d'enfant. Juste qu'il faut bien réfléchir avant."